Pendant ce temps, l’horloge de la déglingue européenne tourne…

Brexit

De Copenhague à Varsovie, de Budapest à Londres en passant par Calais, sans parler de la situation de la population grecque dont tout le monde s’est empressé d’oublier la détresse, l’horloge de la déglingue européenne tourne. Certains tentent d’en arrêter les aiguilles par des déclarations qui rivalisent de solennité et de référence historique  : il nous faut un nouveau serment du Jeu de Paume, un pacte de Condorcet, un traité de Rome bis. De leur côté, les 6 fondateurs veulent en tous cas consacrer quelque chose à l’occasion de son anniversaire. Pourquoi pas ? Mais cela suffira-t-il à diminuer la pile des dossiers et surtout des postures qui déconstruisent l’esprit autant que l’outil européen ? Et l’Europe d’être de plus en plus décriée y compris par des gouvernements ou des acteurs dont on n’aurait pas imaginé qu’ils en deviendraient les pourfendeurs.

On est pourtant loin de la courbure des concombres : l’agenda européen est plus politique que jamais : climat, réfugiés, Schengen, droits de l’homme -et cette fois y compris en son sein-, politique de voisinage Est et Sud, chantage au Brexit sont autant de sujets dont raisonnablement personne ne peut penser que la division en 28 aidera à les solutionner. Ceci explique peut-être cela.

Pour l’Euro comme pour le reste, on a toujours voulu croire que la superstructure politique suivrait les décisions imparfaites – sous la contrainte de l’unanimité – des États membres dans une Europe que ceux-ci veulent de plus en plus confédérale. N’est-ce pas ce qui se passe aujourd’hui en miroir dans les pays au fédéralisme inachevé comme la Belgique ? L’agenda belge est tout aussi politique, on ne compte plus les dossiers communs mal emmanchés et les plus confédéralistes (pour le dire gentiment) en tirent les marrons du feu.

Mais comme afficher aujourd’hui la nécessité d’une Europe intégrée et politique vous classe immédiatement dans la catégorie d’ « européiste béat » ou de « fédéraliste old fashion », même les plus créatifs ou les plus ouverts à un projet politique européen renouvelé démissionnent ou se contentent de le penser. D’autres privilégient les actions transnationales aux changements institutionnels… en attendant. De facto, les pilotes actuels poursuivent leur bricolage dans leur coin : ici un break pour Cameron (et tous les chefs d’État qui le suivent en embuscade), là des normes laxistes pour les émissions des véhicules (comme si le VWgate n’avait pas suffi).

On a si peu à se mettre sous la dent qu’on en vient à se réjouir d’avancées et de coopérations entre États membres, comme ce fut le cas récemment dans l’opération « Vall’s-Duchesse » à Bruxelles. Les coopérations, la diplomatie bilatérale et les opérations de communication ont toujours existé et continueront d’exister. Mais qu’on ne s’y trompe pas : même quand elles bâtissent quelque chose à 2 ou à 3, elles ne construisent pas l’Europe et n’ont rien à voir avec sa relance.

Coopération renforcée, noyau dur, cercles concentriques sont devenu les mots magiques (on ne peut pas dire que la dernière en date, censée mettre en place une taxe sur les transactions financières soit un grand succès…).

Le mouvement Diem lancé par Yanis Varoufakis fera-t-il exception ? Quelles que soient ses motivations, son manifeste a le mérite d’exister et à tort ou à raison, le personnage enthousiasme à gauche et rend des couleurs à une partie de militants découragés. Surtout en France, en Belgique (francophone), en Espagne, pas du tout en Allemagne, ni en Italie où on a déjà connu le Cinque Stelle et les « anti-élite » (sans qu’on ne définisse vraiment qui est l’élite…). On ne peut évidemment lui donner tort ni sur les effets structurels, sociaux et politiques de l’austérité budgétaire érigée en credo ou pire, en concept moral, ni sur la nécessité de revoir en profondeur les dettes souveraines et d’améliorer la démocratie européenne par la transparence, le registre obligatoire pour les lobbystes, etc… Toutes choses qui sont déjà portées dans bien des mouvements thématiques, qu’ils concernent par exemple la négociation du TTIP ou les coalitions climat. A ce propos, on s’étonne de l’absence complète de mention des questions écologiques pourtant centrales dans une transition en profondeur de l’économie européenne. Son mouvement arrivera-t-il à peser sur l’agenda ? On le souhaite. Au-delà de la transparence, arrivera-t-il à coaliser des citoyens qui ne se retrouvent ni dans les partis, ni dans les mouvements politiques et qui aspirent à de nouvelles formes de participation et délibération citoyenne transnationale et qui vivent à l’heure de l’explosion des échanges numériques. Laissons-lui le bénéfice du doute, y compris quant à la grande constituante qu’il prévoit pour refonder le tout. Mais sans doute la différence est l’incarnation, l’espérance, l’envie de construire autre chose qu’il suscite hors des partis et des « actor’s as usual ».

Il faut refuser de lire le présent et d’écrire l’avenir de l’Union Européenne à partir de quelques lignes de partage, certes très en vogue et opposant nationalistes versus européistes, acharnés des traités versus adeptes des petits pas sans y toucher, anti-capitalistes productivistes versus décroissants, élite institutionnelle versus petit peuple citoyen.

Le chemin de la relance européenne ne viendra pas des institutions même s’il faut continuer de les faire fonctionner et même si elles produisent des mesures insuffisantes ou rédhibitoires. Il ne viendra pas plus des chefs d’État et de leurs initiatives plus ou moins opportunes. D’aucuns parleront d’Europe des peuples. Les peuples, c’est le corollaire des nations. Ça ne veut rien dire. Il n’y a pas « les Polonais », « les Allemands » ou les autres. Ce sont des concept du 20è siècle et leur transposition au 21è sonne faux.

Les seuls susceptibles de faire bouger les lignes, de porter et surtout d’expérimenter un projet européen mieux ancré, qui ouvre des voies d’avenir, suscite de l’adhésion et de l’espérance ne peuvent être que des citoyens qui, sur base transnationale, s’organisent en réseaux d’intérêts et de projets hors des mouvements sociaux traditionnels. C’est à eux, citoyens entrepreneurs et coopérateurs, par leurs projets et leurs réalisations concrètes, de faire fléchir, évoluer et bouger ces mouvements, partis, élus et institutions. Comme le montre si bien le film DEMAIN. La superstructure politique a changé de forme, de camp, de perspective dans un monde de plus en plus dé C’est en tous cas le projet des écologistes, celui de faire vivre, débattre et travailler des acteurs et des citoyens engagés dans la transition de ce nouveau siècle, y compris dans ses aspects plus difficiles et sensibles (terrorismes, multiculturalité, etc …). On le disait à Paris, après le 13 novembre et en décembre lors de la COP21. On va le faire.

2 commentaires sur “Pendant ce temps, l’horloge de la déglingue européenne tourne…

moreau michel dit :

les européens,l’europe attendent des leaders pour repartir,des leaders qui privilégient les projets aux élections.Ils attendent aussi des motivations,une confiance et surtout pas une idéologie libérale ou autre. Espérons pour cela qu’il ne faille pas une guerre

Marcelle Pecker dit :

Merci Isa pour ta pugnacité et la force que tu continues à incarner…
Tu restes attentive à tout ce qui peut nous encourager à poursuivre!alors, je partage…

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