Vous reprendrez bien un petit électrochoc ?

Echo - ArticleOn arrive enfin au bout de la période des drinks de fin ou de début d’année. Je ne sais pas vous mais moi, ces tirades un peu convenues devant ses mandants, ses collègues, ses partenaires, ses médias, je les sentais moins que jamais.

Car sauf à s’extraire complètement du contexte, reconnaissons qu’il est difficile d’être optimiste, seule posture qui sied pourtant à ce genre d’exercice.

Il est d’autant moins question d’enthousiasme que la persistance des violences économiques et sociales ne se contente pas de faire perdre des emplois et croître précarité et pauvreté. Elles font pire : elle coulent les plus grands pourfendeurs des inégalités sociales dans le béton de leurs certitudes du siècle passé alors même que la transition et le numérique sont à l’œuvre sous leurs yeux et que de plus en plus de citoyens entreprenants et entrepreneurs eux s’y lancent, même sans filet. Pour ne pas ouvrir la porte au détricotage des droits sociaux collectifs (par ailleurs déjà bien ouverte) et face au discours d’une droite plus ou moins décomplexée qui brandit ses classiques, on se cantonne à gauche dans un discours uniquement défensif, d’invectives, agitant les chiffons rouges traditionnels. Radicaliser les postures, être tranchant, polarisant, flirter avec le simplisme et la caricature devient la règle, le politiquement et médiatiquement correct. Il paraît même que cela ferait du bien à l’âme et revigorerait les citoyens endormis. Cela reste largement à prouver !

Les Grecs l’étaient-ils avant de soutenir largement Syriza ? Évidemment que non. Ils étaient surtout écrasés par la violence des coups de butoir portés à leur économie malade. On n’ira peut être pas jusqu’au « je suis Tsipras » brandi en rue, mais il est certain qu’à partir d’aujourd’hui, plus d’un chercheront à se servir ou se revendiquer de la victoire de Syriza là-bas pour conforter leur stratégie ici. Ce serait oublier un peu vite que cette belle victoire, conquise sur une humiliation infligée aux Grecs par sa classe politique et par la Troïka, amènera Tsipras comme il l’a annoncé et s’y est préparé à négocier, à faire de la politique. C’est tout sauf de la posture, c’est de la responsabilité dont on veut croire que les européens se saisiront…pour sortir par la même occasion le projet européen de là où ils l’ont embourbé. Raison de plus pour ne pas charger la barque ou sauter opportunément dedans. Le tournant est trop important. Soyons soutenant, en dépit d’une alliance circonstancielle risquée avec des ultranationalistes pas très regardants sur les droits humains et qui fait plutôt tâche (les détracteurs de Mr Francken apprécieront !).  Car il en faudra du temps, une génération sans doute, pour reconstruire un État Grec digne de ce nom.

Et puis il y a eu l’électrochoc parisien dont la brutalité est venue rappeler à ceux qui feignaient de l’ignorer, que l’état du monde et singulièrement au Moyen Orient, ne tue pas que là-bas (et bien plus) mais aussi ici, par des mains de chez nous. La préservation de notre patrimoine commun et l’éradication de cette violence-là ne se réglera ni par les seuls cours de citoyenneté, ni à coups de militaires dans nos rues, même temporairement. Ce qu’elle exige, c’est une solide dose de lucidité dans la relecture de nos politiques étrangères à courte vue, dans cette région secouée par des révolutions et contre-révolutions, mais aussi ici dans nos politiques urbaines, culturelles et d’éducation, à tous les échelons de gouvernance.

Pour sortir par le haut, se protéger de nouveaux chocs à venir, il va falloir sortir de nos zones de confort, reconnaître et affronter la complexité, se décentrer pour intégrer les arguments contraires. La résilience prend forme sur de nouveaux thèmes avec de nouvelles approches. C’est le moment de les soutenir. Et puis quoi, être transparent sur les moyens d’action et les résultats escomptés, dégonfler les bulles et les égos, est-ce si difficile ? De telles attitudes sont considérées comme des postures faibles (oserais-je dire féminines ou inspirées par la gauche…du cerveau ?). Elles témoigneraient d’une combattivité déficiente voire d’une insuffisance de conviction. Cette honnêteté intellectuelle et politique ne payerait plus. Un peu comme la paix dont on continue de dire bêtement qu’elle ne fait plus rêver les citoyens européens. Une affirmation péremptoire que l’on assène comme une évidence et qui perd chaque jour de sa pertinence dans un monde aussi interconnecté et interdépendant.

Ce travail à faire par les élus et les partis (s’ils en ont la modestie) autant que par les acteurs traditionnels de la société civile (devenus des experts dans leurs domaines) intervient certes au moment où l’inquiétude gagne du terrain. Mais aussi au moment où les cafés philo et séances de lecture de textes remplissent des salles, où des mouvements et groupes s’organisent autour de projets les plus divers et à toutes les échelles, où les enfants et les jeunes sont de plus en plus séduits par les échanges horizontaux sur les réseaux, où l’école a perdu le monopole de la transmission « descendante » vers lequel d’aucuns voudraient la ramener alors que ses résultats appellent de profonds changements de méthode. Voilà de quoi occuper 2015 et les suivantes.

Meilleurs vœux.