Egypte : l’Union européenne doit soutenir une médiation pour désamorcer le conflit

(c) reporters

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22 août 2013 | Après les déclarations du Conseil Européen, au moment où le Ministre Reynders se rend au Caire, et dans l’attente de la réunion des Commissions Affaires étrangères Chambre/Sénat et du Parlement Européen, les écologistes veulent rappeler autant leurs inquiétudes que leurs attentes sur le rôle de médiation que pourrait et devrait pouvoir jouer l’Union Européenne pour désamorcer le conflit et stopper le cycle de la violence en Egypte.

Pour être possible, acceptée et crédible, une telle médiation exige quelques préalables.

1. Clarté sur les responsabilités
Tout d’abord, au delà de l’indispensable condamnation des violences et des tueries massives, il est nécessaire de faire la clarté sur les responsabilités des uns et des autres dans ce conflit via une enquête indépendante ; celles de l’armée et de la police dans les massacres perpétrés la semaine dernière, sans omettre les agressions commises par les Frères Musulmans à l’égard des minorités coptes et chrétiennes dont les églises n’ont par ailleurs pas été sécurisées.

2. Non au manichéisme
Il faut éviter de prendre parti pour un camp ou l’autre en raison d’une part des responsabilités partagées par chacun d’eux dans la situation actuelle, en raison d’autre part des clivages qui traversent la société égyptienne qu’il est inutile de renforcer. Enfin, ambitionner une fonction de médiation implique une certaine retenue pour construire la confiance des parties dans le médiateur.

Même si incontestablement, les Frères Musulmans et le président Morsi ont obtenu une majorité et donc une légitimité par les urnes, leur seul retour au pouvoir ne fera qu’aggraver les tensions en raison du désaveu dont ils font l’objet auprès d’une partie croissante de la population. Pas plus qu’il n’apaisera la volonté de l’armée, en quête de légitimité après sa prise du pouvoir, de maintenir ses privilèges, son poids économique et le monopole qu’elle détient sur de nombreuses industries.

Il est nécessaire de mettre sur pied un dialogue incluant des représentants de la société civile pour rechercher, avec les élus, la composition et les modalités d’un gouvernement capable d’apaiser, d’unifier et de gouverner le pays.

3. Pas d’isolement mais des signaux clairs
L’isolement politique ou les sanctions ne constituent pas les outils appropriés permettant d’amorcer une négociation. Toutefois, des signaux sont utiles.

4. Pluralisme
Les sociétés dans le monde arabe sont pluralistes, diverses. Aucune composante ne peut être éliminée. La mise au ban de l’islam politique sous la dictature a démontré son inefficacité. C’est ce souci de pluralisme qui doit animer les prémices de la négociation.

5. Approche régionale
La médiation requiert également une relation étroite avec les acteurs régionaux comme l’Union Africaine et la Ligue Arabe, mais aussi d’associer aux moments opportuns les voisins influents et concurrents, à savoir l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie.

C’est donc un processus long dans lequel l’Union Européenne doit s’engager, avec la confiance et le soutien de tous ses Etats membres et du Parlement Européen. Après l’aveu d’impuissance européenne dans le conflit syrien, il est impératif que l’Union puisse, dans la lumière comme dans la coulisse, jouer le rôle qu’on attend d’elle dans ce moment particulier du long processus de transition démocratique engagé dans cette partie du monde.

 

Isabelle DURANT, Vice-présidente du Parlement européen
Benoît HELLINGS, Sénateur