Ulysse à Lisbonne

Une longue journée portugaise, à l’initiative de Rui Tavares, député de notre groupe, dans la belle ville de Lisbonne. Une ville ou les effets de la crise sont moins perceptibles qu’à Athènes, mais nous avons voulu par les contacts et débats directs entrer dans les réalités et les perceptions de la société civile portugaise. Le bilan est douloureux, difficile.

Un petit retour en arrière s’imposait en commençant. Les 30 dernières années, u lendemain de la révolution des oeillets,  pourraient de façon très ramassée, se résumer à un triptyque : les 3 D : décolonisation, démocratisation, développement. Cela a plutôt bien fonctionné. L’Union Européenne a joué un grand rôle dans ce redressement spectaculaire, jusque dans les années 2000, y compris l’entrée dans l’euro. Depuis 2010, le doute fait place à la confiance. La crise a produit les effets que l’on sait et les capitaux portugais se sont exilés. En avril 2011, le Portugal a demandé le plan de sauvetage, aujourd’hui piloté par la Troïka. et la décolonisation se traduit aujourd’hui, ironie de l’histoire, par une tentative de colonisation à l’envers : l’Angola installe son influence sur une économie portugaise en panne.

Nous débattons avec nos interlocuteurs portugais des effets de l’austérité sur l’économie, la démocratie, l’environnement. L’un d’entre eux nous rappellera à quel point l’austérité est un instrument pervers, dévastateur qui démantèle pas mal d’acquis sociaux de l’après-guerre. Tout sauf une politique…sauf si cela en était une..Au delà des faits, c’est aussi la perception par les portugais comme les grecs ou les espagnols : l’austérité serait une sorte de revanche, une réponse aux vices, à la nonchalance, la paresse, les mauvais fonctionnements de tous types. Et cette perception, elle humilie. C’est inutile et dangereux pour la démocratie de donner à un peuple le sentiment qu’on le méprise, même s’il y a des raisons à vouloir le réformer. C’est un peu comme si les pays du Sud étaient des tubes à essai pour expérimenter jusqu’où on peut aller…

C’est pourquoi le projet Ulysse est si important (www.projetoulisses.net)  Un projet qui rassemble ces pays du Sud, les fait travailler en réseau.

Nous passerons également en revue avec Luisa Schmidt, une académique mais aussi militante écologiste, tous les reculs enregistrés sur le terrain environnemental, les dangers de la privatisation des services liés aux biens communs, le définancement du contrôle de l’application des lois environnementales et des services qui collectent les données. Nous pointerons aussi les atouts que l’on peut déceler dans cette crise en terme de meilleure consommation, de création d’emplois dans des secteurs jusqu’alors peu investis, de souci de la qualité.

J’aurai ensuite l’occasion de rencontrer les journalistes et représentants des travailleurs de la RTP, radio télévision publique portugaise et l’Agence de presse portugaise.  Mêmes signes avant-coureurs qu’à l’ERT grecque. Perte de qualité, d’audience, de financement. Clientélisme et télévision d’état..C’est très préoccupant et cela exige une vraie mobilisation pour les médias de service public, leur financement et leur indépendance.

Rebecca Harms, notre co-présidente, aura eu cette phrase assez drôle en début de journée : « je ne suis pas qu’opitimiste, je suis aussi allemande », ce qui fera dire à Yannick Jadot (français) : « je suis français mais je suis aussi réaliste ». Voilà un axe franco-allemand vert qui se joue à l’envers, et c’est précieux !