RDP 20120829_art. ID-PE in LLB « Série de l’été » | Les Eurodéputés belges et la crise (9/9)
>> Pour Isabelle Durant (Ecolo), le Parlement a toujours eu trois longueurs d’avance sur le Conseil.
>> Mais c’est le Conseil qui a dominé les débats.
La crise avait bien entendu déjà frappé les trois premiers coups lorsqu’Isabelle Durant a été élue au Parlement européen lors du scrutin de juin 2009: le séisme financier avait notamment touché les Fortis, Dexia, KBC et autre Ethias.
Mais l’eurodéputée Ecolo était loin de s’imaginer en investissant l’hémicycle européen que la situation allait empirer à ce point. “Nous savions que nous entrions dans une période difficile”, souligne-t-elle. “Même si la crise était bien engagée en 2009, nous ne réalisions pas du tout à quel point la crise bancaire et la crise de la dette souveraine allaient conduire à une crise de la gouvernance économique telle que nous la connaissons aujourd’hui.”
Ce n’est pas faute, pourtant, d’avoir tiré sur la sonnette d’alarme. “Le Parlement a toujours eu trois longueurs d’avance par rapport au Conseil”, estime la vice-présidente du Parlement européen.
Las !, sa voix a été peu ou pas entendue. Isabelle Durant en est bien consciente : le Conseil et le couple francoallemand ont voulu tirer la couverture à eux. Un désastre. “La manière dont le moteur franco-allemand a fonctionné a été désastreux”, lâche-t-elle.
La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy ont voulu prendre les choses en main, “mais non pour rassembler mais pour imposer”, dénonce la représentante Ecolo. “Ils ont voulu prendre un rôle de quasi-directoire des affaires européennes, ce qui est insupportable. Quand les choses capotent en Grèce et que le Premier ministre Papandreou ose laisser entendre qu’il pourrait demander un référendum, il se fait convoquer par le couple franco-allemand pour se faire donner la fessée!”
Si seulement “Merkozy” avait été bien inspiré. Mais tel n’a pas été le cas. “Le moteur franco-allemand ne nous a pas aidés.” Il avait en effet tendance à donner le ton des Conseils européens. “Cela débouchait sur de mauvaises solutions, mal adaptées, de très court terme et qui n’allaient pas au fond des choses.”
Et de tirer à boulets rouges sur le dernier traité européen porté à bout de bras par la chancelière allemande. “C’est un monstre juridique”, Isabelle Durant, en parlant, bien entendu, du traité. “Il n’apporte rien de plus que le six-pack (NdlR: réforme de la gouvernance économique européenne).
Alors, pourquoi un tel traité? Tout simplement parce que Mme Merkel le voulait.”
Si le Conseil européen tournait à vide, il n’en a pas moins occupé le devant de la scène. “Le Conseil a pris beaucoup de pouvoir tout simplement parce qu’il a laissé le vide laissé par la Commission, qui n’a pas rempli son rôle. Le rôle de la Commission est de faire des propositions, d’être le moteur de l’union bancaire. Elle a au contraire été très discrète.”
Le Parlement a eu, lui, raison, mais avant tout le monde. Et tout le monde l’a oublié. “Même si on en a moins parlé, le Parlement européen a été très actif et a pris des initiatives extrêmement précieuses. La preuve en est que le dernier Conseil a repris ce que le Parlement avait déjà défendu voilà deux ans. Mais voilà, personne ne le dit et ce ne sont certainement pas les chefs d’Etat et de gouvernement qui vont se vanter d’avoir repris les idées du Parlement avec deux ans de retard..” Isabelle Durant dit pourtant ne pas en avoir gros sur la patate : “Ce qui compte, c’est que l’on puisse sortir de la crise.” Et le dernier Conseil a enfin commencé à avancer dans la bonne direction.
Les priorités d’Isabelle Durant sont de mettre un plan de relance sur les rails et de lancer un programme d’investissements.
Et puis, il y a ces fameux eurobonds, qui ne font pas bondir de joie une certaine
Angela Merkel. “On y arrivera à la finalisation de ces eurobonds”, assure l’eurodéputée Ecolo. Et cela se fera, avec ou sans AngelaMerkel. Il n’y a pas le choix. “C’est la seule façon d’éviter l’étranglement de certains Etats, sous peine que ce soit le remède qui tue la patient.”
La rentrée s’annonce chargée et “passionnante” pour Isabelle Durant. Il y aura bien entendu les suites du dernier Conseil européen. L’eurodéputée belge souhaite relancer l’idée d’une Convention européenne, avec en filigrane sa volonté d’augmenter le côté démocratique de l’Union européenne.
Parmi ses idées : l’élection directe des membres de la commission européenne. Pour le scrutin européen de juin 2014, elle plaide pour des débats transnationaux. Et puis il y aura aussi le budget, la politique agricole commune (PAC) et tant d’autres choses…
P.D.-D.
Épinglé :
L’Europe, “bouc émissaire idéal…”
Défendre l’Europe quand cette même Europe est accusée de tous les maux, ce n’est pas évident. “La crise, il ne faut pas l’oublier, ne vient pas de l’Europe, mais bien du fait que l’on a permis aux banques de faire tout et n’importe quoi, des banques qui se sont alors lancées dans la spéculation et ont privilégié leurs intérêts à très court terme”, rappelle l’eurodéputée Ecolo. Mais l’Europe n’en endosse pas moins le mauvais rôle. Ce n’est pas neuf. “Les bonnes décisions sont toujours nationales ou régionales et les mauvaises européennes”, remarque cette ancienne ministre fédérale – elle fut ministre de la Mobilité et des Transports dans le premier gouvernement Verhofstadt.
“Quand j’étais ministre avec Laurette Onkelinx, alors ministre de l’Égalité des chances, elle a transposé en droit belge une directive européenne qui interdit toute discrimination. Cela a été présenté comme la loi Onkelinx. Personne n’a rappelé l’origine de ce texte alors que Mme Onkelinx n’a fait que retranscrire la directive, point à la ligne. Mais quand c’est un texte que l’on n’aime pas, tout le monde se retranche derrière le fait qu’il s’agit d’une directive européenne et que l’on ne peut rien y faire”. Un petit jeu qui n’aide pas la cause de l’Europe.
“À force de taper en permanence sur la tête de l’Union européenne, on finira par avoir deux fois plus de parlementaires eurosceptiques lors des prochaines élections. Je comprends parfaitement que l’on puisse être eurosceptique sur certaines choses et que l’on se pose des questions sur l’Europe. Mais l’eurosceptique type, c’est n’est pas seulement quelqu’un qui s’interroge, c’est en fait une personne qui, par principe, estime que tout se fait mieux au niveau national”.
Bref, trop souvent, l’Europe est mise au banc des accusés. “Faire de l’Europe le bouc émissaire des mauvaises décisions, alors que tout le monde a contribué au processus de prise de décision: c’est faire le lit des eurosceptiques, des populistes et des démagogues”.
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