Protection des données des passagers ou comment mal lutter contre le terrorisme

C’est une affaire ancienne, qui date du lendemain du 11 septembre 2001. Le traumatisme et ce qu’il a suscité dans l’administration Bush a poussé à l’époque à des réactions pour le moins disproportionnées pour empêcher d’autres attentats sur le sol américain.  Au lendemain des attentats, l’administration américaine émet une série de conditions pour donner l’accès à des passagers venant d’Europe sur son territoire, en listant une série de critères sur base desquels, dans une file de passagers à l’embarquement, on peut « repérer » les terroristes potentiels : leur type de bagage, leur allure, leur projet de voyage…


A partir de là, les USA demandent l’accès aux banques de données de toutes les compagnies aériennes et agences de voyages. Ces dispositions sont décidées sans base juridique aucune, sous le coup de l’émotion. S’ensuit alors une négociation entre UE-USA, et pour l’UE, c’est le Conseil Européen qui est à la manoeuvre : le Parlement à l’époque ne disposait d’aucune compétence pour être associé à la discusion. Un recours est introduit et il est rejeté par la Cour Européenne de Justice.  En 2007, un nouvel accord est réalisé, sans aucun vote dans les parlements nationaux. En 2009, le Parlement avec le Traité de Lisbonne reçoit la possibilité de légitimer ou non les accords négociés et la Commission et le Conseil tentent de lui faire ratifier l’accord conclu en 2007.
Le PE marque son opposition, entre autre à cause du délai de stockage des données toujours fixé à 15 ans et la possibilité de transmettre ces donnée à d’autres autorités ou tiers. S’engage alors une nouvelle négociation. La Commissaire en charge obtient un certain nombre d’avancées dans le texte, mais accepte aussi de nombreuses exemptions qui affaiblissent le texte : les données resteront stockées 15 ans, et même si elles seront anonymisées, le profilage sera possible. Nulle part on ne dit quand et comment elles seront effacées, ni à quelles fins on peut les utiliser (dès lors, à toutes). Enfin, si une évaluation est prévue, il n’y a pas formellement de clause de révision ni d’appel possible.  Le Parlement avait tracé une ligne rouge pour cette négociation. La charge de la preuve est renversée. C’est contraire à la charte des droits fondamentaux à laquelle l’UE est généralement très attachée.
Le débat a été long et vif, approfondi. La plulpart des conservateurs du PPE, une bonne partie des socialistes et une petite partie des libéraux ont voté pour, considérant que ce texte présente quelques améliorations et vaut donc mieux que l’absence de cadre juridique actuel. Ce qu’ils ne disent pas aussi ouvertement, c’est qu’ils ont fait l’objet de pressions, en particulier et comme à chaque fois, de menaces de ne pas laisser les compagnies aériennes européennes atterrir sur sol américain.
A quoi nous leur avons répondu que ce faisant, même s’ils avaient la base juridique, ils n’obtiendraient plus d’amélioration sur la protection des données personnelles et ainsi ouvraient la porte à des accords de mêmes nature, demain avec des pays comme la Chine, la Russie, l’Inde. Comment en effet exiger plus de ces partenaires le jour où ils demanderont un accord que ce nous aurons voté et accepté aujourd’hui. Les Verts ont mené la bataille depuis plus d’un an. Elle a été perdue aujourd’hui. Mais il va falloir organiser la résistance pour d’autres accords et s’engouffrer dans la mini brèche que constitue l’évaluation prévue…
Aujourd’hui, au Sénat én Belgique, à Bruxelles, les sénateurs ecolo ont demandé un débat sur le sujet : quelle était la position de la Belgique, qu’entend elle faire sur cet échange de données. Débat refusé. Franchement, après on dira encore que « c’est la faute de l’Europe »…
Suite mais pas fin.


Isabelle Durant