avant un débat de très grande qualité entre les 3 équipes et les militants, et avant l’élection d’une équipe pleine de peps et de compétence, Olivier Deleuze et Emily Hoyos,
Chers amis,
Devoir accompli, ça rime avec Jean-Mi. Je suppose que vous avez lu attentivement le cahier spécial de la Quinzaine, en caractères 11, que nous avons rédigé à votre attention pour résumer ce que nous avons ensemble entrepris et mené à bien depuis 2007 et pour ma part de 2004 à fin 2009.
Je dis bien résumer car si nous nous étions laissé aller à parler de tout, je n’ose imaginer le volume du document qui vous aurait été soumis et que, je vous rassure, je ne vais pas résumer oralement.
Tout ce chemin, n’aurait pas été parcouru s’il n’y avait pas eu Claude et Philippe et puis Stéphane, Evelyne et puis Sarah et tous les autres, permanents et élus, militants et conseillers, cabinettards et BEPS comme on dit dans le jargon, jeunes cons et vieux sages, pour mener vaille que vaille, selon les moments et les défis, cette incroyable équipée.
D’abord, je voudrais remercier ceux qui m’ont donné la possibilité mais surtout la chance de participer au pilotage de l’aventure, dans ses côtés les plus excitants comme dans ses côtés les plus fastidieux ou les plus douloureux.
D’exercer ce métier qui n’en est pas un, mais qui en est un fameux, le plus décoiffant et essoufflant, mais aussi le plus passionnant. Qui appelle à courir sur tous les fronts, tous les sujets, à tout moment. Qui a besoin comme de pain de confiance et d’autorité, de dialogue et d’arbitrage, d’intuition et de certitudes, d’affirmation et d’effacement, de liberté et de sens de la famille.
On a tenté de vous le décrire ce métier, à la page 10, pour que vous puissiez non seulement juger les idées et projets des candidats qui se présentent à vous, mais aussi mesurer si vous les sentez aptes à apprendre à jouer dans tous ces registres multiples et variés.
Remercier aussi, et ce n’est pas accessoire, ceux qui, en raison de la fonction que j’occupais, ont pris le temps de me montrer une carte de Wallonie et de permettre ainsi à la bonne bruxelloise que je suis, née rue de la Loi, et qui jusqu’alors se croyait dans les Ardennes dès qu’elle montait sur l’E40, de découvrir au fil de ces 10 années la chaleur et la simplicité, la saveur et les accents, les blessures et les talents de la Wallonie et de ceux qui y vivent, du marché de la Batte au carnaval de La Louvière, en passant par Rochefort ou Bastogne et en s’arrêtant un peu plus longtemps à Oteppe. Et cela sans jamais devoir renoncer à ma ville, ma région, ma belle commune de Schaerbeek, tout en contrastes et en diversité. Cela aussi, c’est plus qu’un cadeau, c’est un véritable patrimoine particulièrement précieux dans les enceintes européennes où je porte aujourd’hui nos couleurs et nos défis.
J’ai donc expérimenté tous les registres de la fonction à des époques bien différentes, avec Jacky d’abord, en 94, à la veille d’élections dont nous savions qu’elles seraient un échec. Après la saga des écotaxes, il fallait ouvrir le parti sur le monde social et économique, à une époque où nous discutions longuement, certains s’en rappelleront, pour savoir si nous étions ou non héritiers de la charte de Quaregnon ou encore pour savoir s’il fallait ou non engager un dialogue structurel avec les syndicats ou les patrons. A une époque où le CEFE cantonnait son expertise et son travail sur les seules questions d’environnement.
Oui, je le dis aux conseillers qui travaillent aujourd’hui sur des questions très pointues, qu’elles soient institutionnelles, sociales, économiques, en matière de politique internationale, et aux plus jeunes qui sont dans la salle, ce temps-là a existé. On interrompait même le secrétariat fédéral qui se tenait le vendredi soir rue Basse Marcelle pour aller rue du Séminaire, regarder ensemble les rares interviews télévisées de l’un des nôtres.
Merci à tous ces anciens, ces pionniers, dont beaucoup d’entre eux, bien heureusement, sont encore là et bien là, inoxydables et solidement expérimentés, et merci à Jacky d’avoir définitivement sonné le glas du pré carré vert pour lancer Ecolo à la conquête de l’écologie politique, dans toutes ses déclinaisons.
Une conquête qui se fera, comme l’écrit très bien Pierre Bouillon dans Le Soir d’hier, au rapport de force interne, ce qui rappelons-le est tout sauf un crime de lèse majesté en politique. Il en est même totalement constitutif. Je le mesurerai de façon très triviale, parfois brutale, pendant les années arc-en-ciel, mais toujours confiante dans la qualité et la justesse de notre projet politique, comme le démontre la relecture de certains dossiers 10 ans plus tard.
Cette ouverture aux forces progressistes de ce pays a cependant connu certains épisodes qui ont bien failli nous faire perdre ce que nous avons sans doute de plus précieux : notre indépendance sur le champ politique, notre autonomie, notre projet propre, notre rapport à l’éthique et à la gouvernance. Mais aussi notre audace, notre originalité sur le champ politique, mais que nous avons résolument appris à ne pas confondre avec folklore ou marginalisation.
Voilà qui m’amène, pour terminer à couper les ailes à un canard qui a pourtant la dent dure (même si je ne suis du tout sûre que les canards aient des dents) : la professionnalisation d’un parti est tout sauf un renoncement à la participation militante ou à la radicalité du projet.
Bien au contraire. La professionnalisation, telle que nous l’avons construite Jean-Mi et moi, c’est justement la condition d’une militance intelligente, éclairée. Mettre en route Etopia pour tracer des ponts avec les questions de moyen terme et les mondes académiques et intellectuels, c’est mettre à disposition de tous une nourriture politique précieuse et indispensable si on veut faire autre chose que du slogan. Les Rencontres d’Eté, la formation des permanents et des élus à tous les niveaux, Ecolo J et Ecolo +, les EGEP et puis les REP, Ecolo au pluriel, toutes ces initiatives sont autant d’instruments à disposition de tous, pour conserver et faire grandir notre force et notre empreinte politique, bien supérieure à notre poids arithmétique. Ce qui fait notre force, celle du parti, des élus, et la fierté des militants et des sympathisants, c’est la pertinence, le travail, le sérieux, la connaissance, quel que soit le sujet. A quoi s’ajoute ce que nous devons cultiver : le plaisir tout simple d’écouter les gens, d’être là où ils sont, des gens de nos villes et de nos villages qui en définitive, ne sont pas que des électeurs à qui il faut asséner notre programme et qui eux, parfois, se sentent un peu loin de toute cette expertise.
Je suis aussi particulièrement fière des procédures que nous avons mises en place, que Philippe et puis Stéphane ont piloté de façon super pro. Ce sérieux-là sur le contenu d’une note, sa structure, sa relecture, le timing parfois insensé de sa production, c’est dans les cabinets que nous l’avons appris. Et c’est précieux pour être crédible.
La professionnalisation n’est pas non plus le contraire de la délégation.
A Ecolo, on ne confond plus les rôles entre les instances, les personnes, les salariés et les élus. On fait confiance, on donne sa voix, on fait d’abord des comités de liste pour choisir nos candidats, on cherche le consensus, plutôt que la seule démocratie d’assemblée, qui ne doit son résultat qu’au hasard de ceux qui sont dans la salle ou aux conflits plus ou moins larvés qui s’y déroulent.
Toutes ces réformes que nous avons soit adoptées ensemble car elles relevaient d’un changement de statut, ou que nous avons mises en place, forts du mandat qui nous a été donné, ce sont les conditions d’un parti qui fonctionne. Et la démocratie interne, c’est aussi cela : un parti qui fonctionne, qui est prévisible, où on sait qui décide quoi et à quel moment et sur base de quelle procédure.
Pour fréquenter d’assez près toutes sortes d’écologistes européens qui flirtent avec un score à un chiffre (je ne citerai personne…) je peux vous dire que notre professionnalisme autant que la souplesse et l’efficacité des outils dont nous nous sommes dotés est enviée par plus d’un, car au lieu de stériliser la production ou la radicalité politique, ce qui est souvent le cas dans ces partis où on sacralise le conflit, elle l’a dynamisée.
Mais comme les réformes de l’état qui n’ont jamais de point final, il va sans dire que nous devrons dans l’avenir, chacun à la place où nous sommes, contribuer à corriger, ajuster, adapter l’outil aux circonstances à venir.
Voilà donc ce que j’avais envie de vous dire, le supplément d’âme que je voulais apporter à un rapport moral certes consistant mais peut-être un peu froid. J’y associe tous ceux qui ont été les bâtisseurs de ces 10 dernières années et ceux qui le seront dans les 10 prochaines.
Isabelle Durant
4 mars 2012
Louvain-la-Neuve