Lettre ouverte à Corinne Lepage – la primaire des Verts français

Une campagne qui démarre bien. Une bête polémique qu’il faut tuer dans l’œuf.

Chère Corinne Lepage,

Ecologiste belge indécrottable et  ayant toujours eu les mains dans le cambouis du scrutin proportionnel et des coalitions hybrides qu’il rend possible, j’ai dit au journal Le Monde en juin dernier, avant la primaire d’EELV que  j’avais  ” une légère préférence ” pour Nicolas Hulot. Parce qu’il lui apparaissait comme ” le mieux à même de réaliser le défi auquel sont confrontés tous les partis écologistes : élargir leur électorat de “niche” et recruter au-delà de leur vivier naturel, trop étroit “.

Et j’ajoutais aussitôt dans la même interview qu’Eva Joly, sa collègue au sein du groupe des Verts européens, ” belle personne, passionnante, rigoureuse “, est capable d’atteindre, elle aussi, cet objectif. ” Avec Daniel Cohn-Bendit et José Bové, elle faisait partie de la “dream team” qui a assuré le succès d’EE-LV aux européennes. “ J’ajoutais : « mon espoir ? Qu’après la présidentielle, EE-LV dispose d’un groupe parlementaire capable de s’ancrer dans une majorité de gauche. Et d’influer vraiment. »

Alors, en dépit des inévitables polémiques de cette campagne présidentielle, il est totalement inutile de chercher la faille ou la division…

Comme je l’expliquais dans cette même interview au Monde,  nous avons en Belgique des expériences multiples de cohabitation entre verts et libéraux dans certaines municipalités, ou même au gouvernement fédéral comme ce fut le cas avec une certain Guy Verhofstadt qui avait rassemblé dans sa coalition Libéraux, Verts et Socialistes, et ensuite s’était limité à travailler entre Libéraux et Socialistes, ou encore de gauche plurielle dans les gouvernements régionaux bruxellois et wallon. Cette diversité est difficile à imaginer en France. Elle est pourtant notre réalité et elle a permis  de faire avancer, un peu comme au Parlement Européen avec des majorités différentes, des lois comme celle sur l’euthanasie, sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, ou encore la loi de sortie du nucléaire, l’alternance homme/femme aux premières places de listes électorales paritaires, la limitation des cumuls, et bien d’autres encore.

A l’heure où EELV met sur la table un projet de 6è République, incluant l’importance d’une régionalisation poussée, il pourrait être intéressant de se pencher sur l’expérience belge et la (terriblement) difficile discussion sur la Loi spéciale de financement des Régions et Communautés qui n’en finit pas de prolonger une crise politique et institutionnelle.

Je suis venue en discuter avec mes amis verts à Clermont Ferrand lors de leurs journées d’été, qui plaçaient leur candidate à la présidentielle dans les starting blocs. Je postais sur mon blog à mon retour, un papier que j’intitulais « la 6è République aux lunettes rouges » qui disait entre autres :

Et Eva arrive, avec sa démarche de souris, son style inimitable, son élégance et sa petite voix fluette. Elle a chaud, comme nous tous. Son émotion est perceptible…et pour cause. Mais sa détermination tout autant. Et quand elle parle de « l’outrecuidance de François Fillon sur sa bi-nationalité » ou «  que les écologistes n’ont pas vocation à ratisser les voix pour les socialistes », la salle applaudit à tout rompre. Elle évoque évidemment la lutte contre la crise, les dérives de la financiarisation de l’économie, les printemps arabes et la Syrie, la situation sociale, la nécessité d’Europe, les soldats tombés en Afghanistan, la 6è république et bien sûr la sortie du nucléaire. Pas de participation verte à un gouvernement sans transition énergétique et plan de sortie, c’est clair. Et quand elle en appelle au soutien de Nicolas Hulot, disant que EELV ont besoin de lui, les applaudissements redoublent.

Une belle personne, un bel engagement.

Le chemin des présidentielles et surtout des législatives sera encore long. La situation politique globale et sa gravité, l’importance des enjeux écologiques et économiques nous appellent à faire mieux et à nous épargner de futiles polémiques.

Je suis sûre, chère Corinne, que sur ce point, tu partages mon appréciation.

Isabelle Durant
Eurodéputée Ecolo