Groupe SNCB – il faut recoudre le patient

Carte blanche

mercredi 31 août 2011, 16:51

Une opinion de Isabelle Durant, Vice Présidente du Parlement européen, et de Ronny Balcaen, Député fédéral.

Nos chemins de fer ne vont pas bien. Aux incidents et accidents parfois dramatiques survenus ces dernières années, à la multiplication des avaries touchant tantôt le réseau, tantôt les motrices, à la dégradation de la ponctualité et de la fiabilité, aux trains de plus en plus bondés et/ou vétustes et à la baisse de satisfaction et de confiance des usagers qui en découle, sont venus s’ajouter des résultats financiers véritablement préoccupants pour le Groupe SNCB et plus particulièrement pour l’opérateur ferroviaire SNCB. Face à ces “ symptômes “, deux “ remèdes “ sont de plus en plus régulièrement évoqués : la suppression de la SNCB Holding, d’une part, et la suppression des trains moins “ rentables “, d’autre part. Comme si amputer le patient l’aidera à remarcher !

La nouvelle structure du Groupe SNCB, mise en place en 2005, fonctionne mal, c’est un fait. Ceux qui ont connu la SNCB unitaire et doivent s’accommoder aujourd’hui des dysfonctionnements et tiraillements nés de sa scission en trois entités parfaitement autonomes se plaignent de problèmes de coordination permanents entre filiales, de la lourdeur des procédures mises en place pour y remédier et de l’apparition de logiques de fonctionnement et même de cultures d’entreprises distinctes au sein d’un “ Groupe “ autrefois intégré.

« C’est la faute à l’Europe » plaident en chœur ceux qui nous ont entraînés dans cette funeste aventure… ce qui est totalement faux! En effet, l’Europe n’a jamais exigé une séparation institutionnelle complète entre le gestionnaire d’infrastructure et les entreprises ferroviaires. Pour satisfaire aux directives européennes tout en ayant le droit de préserver l’intégrité opérationnelle de nos chemins de fer, il eut suffi et il suffirait encore de confier à un régulateur indépendant (qui existe déjà) la répartition et la tarification des droits de passage sur le réseau ferroviaire, comme proposé en 2003 et validé à l’époque par la Commission Européenne.

En désolidarisant les principales composantes du système ferroviaire – le réseau, les gares et les trains – la réforme de 2005 a démultiplié les organes de décision souverains et introduit dans le système des coûts de coordination supplémentaires. La nouvelle structure conduit en outre chaque entité du Groupe à défendre son pré-carré dans la négociation des subventions publiques octroyées aux chemins de fer et à suivre sa propre logique économique, fut-ce au détriment de celle du Groupe, dans la définition et la tarification de ses services. Ainsi, lorsque l’entreprise ferroviaire SNCB envisage de supprimer plusieurs centaines de trains par jour pour équilibrer ses comptes, la réduction des coûts qu’elle en escompte consiste pour une large part en redevances d’infrastructures économisées aux dépends des autres composantes du Groupe SNCB! Non seulement, un tel détricotage de l’offre train n’apporte donc qu’une solution très partielle aux problèmes financiers du Groupe, mais c’est en outre à l’échelle du système ferroviaire dans son ensemble, et non train par train, qu’il convient d’apprécier les performances tant opérationnelles que financières du système ferroviaire. Il en va de la mobilité dans les régions moins densément peuplées et de la capacité des voyageurs à se déplacer en dehors des heures de pointe.

Dernier constat, le nombre de voyageurs-kilomètres transportés a progressé d’environ 50% depuis 2000 sans véritable augmentation du nombre de sièges-kilomètres offerts et au prix d’une baisse de la fiabilité et de la qualité du service offert. Ces dérives, pourtant prévisibles, sont totalement inacceptables et nous continuerons à refuser toute contraction supplémentaire de l’offre train qui entraînerait une nouvelle dégradation du service, tant en heures creuses qu’aux heures de pointe.

Il est au contraire pour nous particulièrement urgent de réorienter le Groupe SNCB vers un programme d’investissement et un plan de desserte davantage centrés sur les finalités essentielles du “ système “ ferroviaire dans son ensemble à savoir la sécurité, le maillage, les fréquences, la qualité des points d’accès, la célérité, l’information, le service… plutôt que sur quelques projets phares consommant une part disproportionnée des moyens budgétaires disponibles pour des résultats quelquefois très relatifs en termes d’attractivité du rail. De même, concernant la structure, au lieu de supprimer la holding, il convient d’en renforcer le rôle de coupole stratégique du Groupe, de coordination et de contrôle des activités filialisées (hors fonctions à confier au régulateur) et d’interlocuteur principal des pouvoirs publics en matière de chemins de fer. Une meilleure intégration des sociétés de chemins de fer, c’est un des enjeux de la refonte du premier paquet ferroviaire au niveau européen ; ce sera aussi un des défis majeurs du prochain gouvernement fédéral.

 

Le Soir – Rédaction en ligne http://www.lesoir.be/debats/cartes_blanches/2011-08-31/groupe-sncb-il-faut-recoudre-le-patient-859888.php