Les fantasmes ont la peau dure

Quoiqu’il en soit des perspectives pluriannuelles en discussion, de la nécessaire taxe sur les transactions financières qui fait son chemin, de l’importance de se donner les moyens de soutenir des politiques coordonnées et utiles dans les Etats Membres, il faut aussi arrêter de dire n’importe quoi sur le budget de l’UE : merci à Sabine Verhest de la Libre Belgique de faire le point. Mais comme les idées toutes faites ont la vie dure, il y a fort à penser que son article à lui seul ne suffira pas pas à les déconstruire…

« Les fantasmes ont la peau dure »

par Sabine Verhest 01-07-2011 LLB, p. 8

 

Entre les dépenses qu’on juge astronomiques, les fonctionnaires qu’on imagine pléthoriques et grassement payés, les subventions qu’on pense indues si pas détournées, le budget de l’Union européenne s’accompagne des fantasmes les plus fous. Retour sur quelques faits pour parler en connaissance de cause.

1025 milliards

« L’Europe coûte cher ! »

Plus d’un billion d’euros pour faire fonctionner l’Union sur sept ans (2014-2020), cela paraît énorme. Mais, à y regarder de plus près, ça ne l’est pas. « Le budget de l’Europe, c’est moins d’un euro par jour et par personne », calcule Willy Hélin, le représentant de la Commission européenne en Belgique. Moins qu’une tasse de café ou un pain. Cette année par exemple, il avoisine les 140 milliards, alors que les budgets nationaux cumulés des vingt-sept Etats membres s’élèvent à 6 300 milliards, c’est-à-dire 50 fois plus. Il se révèle en fait comparable au budget de la Belgique ou à celui de l’Autriche. À la différence près que l’Union n’a pas d’autorisation de découvert, bref pas de dette ni de déficit.

5,7 %

« Le plus gros du budget part en frais de fonctionnement et en salaires ! »

Là encore les perceptions s’inspirent assez peu de la réalité. « Beaucoup de citoyens l’ignorent, mais presque 95 % du budget de l’Union retournent dans les vingt-sept pays : pour aider les citoyens, les régions, les villes, les entreprises et les agriculteurs », énumère Willy Hélin. On peut s’émouvoir des salaires des fonctionnaires européens, mais le fait est que les dépenses administratives ne pèsent que 5,7 % dans le budget total, dont 3 % vont aux rémunérations des 50 000 « eurocrates » comme on les appelle péjorativement. Leurs salaires mensuels vont de 2 600 à 18 000 euros pour les directeurs généraux (dont il faut déduire les impôts sur le revenu, les cotisations de pension, un prélèvement de crise). S’ils ne perçoivent ni chèques-repas ni treizième mois, ils touchent en revanche 16 % de prime de dépaysement (que n’ont évidemment pas les Belges à Bruxelles ni les Luxembourgeois à Luxembourg) et bénéficient de certains avantages sociaux.

Bien que les frais de fonctionnement ne représentent qu’une petite part du budget européen, la Commission de José Manuel Barroso a proposé de supprimer 5 % des postes, d’augmenter le temps de travail à 40 heures et de relever l’âge de la retraite à 65 ans.

95 %

« Les fraudeurs ont la vie belle ! »

Lorsqu’ils sont mis au jour, les cas de fraudes, de détournements de fonds et d’irrégularités font couler beaucoup d’encre. L’Union a même un temps décidé de suspendre l’attribution de subventions européennes à la Bulgarie pour cause de corruption et de népotisme. La Cour des comptes, qui scrute les dépenses de l’Union, estime toutefois que 95 % d’entre elles sont tout à fait régulières. Les auditeurs de Luxembourg identifient 5 % d’erreurs dans le cadre de la politique de cohésion. « Erreurs ne signifient pas fraude » pour autant, insiste la Commission. En fait, 0,2 % des dépenses à peine seraient frappées de fraude. Or, « qui sont les responsables du contrôle ? Les administrations nationales », s’exclame Willy Hélin. En mai dernier, la Commission a proposé de le renforcer, mais « la réaction des gouvernements n’a pas été enthousiaste ».

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