24h à Bogota : la force de (quelques) mots et le choc de (mauvaises) photos !

A 2700 m d’altitude, même sous les tropiques, il fait frais. Il parait que les gens de Bogota sont surnommés par ceux de la plaine tropicale qui vivent sous 30 degrés,  les « emmitouflés ».

En fermant les yeux, on se croirait en février ou en novembre dans les Ardennes… La descente en avion sur la ville est pourtant magnifique : une ville sur une bande de terre, un plateau, entre de te plus hautes montagnes encore. Au sol, c’est différent. Ce qui frappe, comme dans toutes les grandes villes de ce type de pays, c’est le trafic, congestionné en permanence ou quasi, malgré l’audacieuse mise en place des bus Millenio, victimes de leur succès : ce sont des grands bus articulés, en site propre, qui ne s’arrêtent que quelques instants aux arrêts car leurs larges portes et les stations d’attentes bien organisées, permettent entrée et sortie rapide de beaucoup de passagers. Autre chose que les centaines de petits mini bus, très polluants et bondés. Et forcément la qualité de l’air…
Mais des quelques heures passées à pied ou à l’arrière de la voiture blindée de la Délégation de l’UE ici à Bogota, je retiens toutes sortes d’images contrastées : les vendeurs ou plus exactement loueurs de minutes sur gsm à tous les coins de rue,  des vendeurs à la criée des derniers textes de loi sur les victimes, et la sécurité omniprésente à l’entrée de chaque immeuble de bureaux ou administration, une vue des quartiers populaires et très pauvres à flanc de montagne qui aboutissent sur un centre historique qui commence à être rénové et préservé : de belles maisons coloniales, des patios intérieurs magnifiques, cachés derrière de lourdes portes, une belle place centrale Simon Bolivar, bordée par toutes les institutions : la Cathédrale, le Parlement, le Palais de Justice (en 1985,  il y eut un assaut par l’armée sur le Palais, tuant magistrats et justiciables présents), la Mairie (aujourd’hui administrée par un maire provisoire car le maire en titre dans lequel on avait fondé beaucoup d’espoir à gauche, est mêlé à des affaires de corruption liées aux travaux publics en cours au centre, travaux dont la gestion est donc encore plus chaotique depuis ces révélations), mais aussi des parents de victimes disparues, otages des Farc, qui défilent avec le portrait de leurs proches disparus, des disparus qui n’intéressent plus personne depuis la libération d’Ingrid Betancourt et des otages « qui comptent ».
Voilà pour quelques premières impressions.Nous avons rencontré déjà de multiples interlocuteurs, concernés à divers titres par les agissements passés de la DAS, le service de renseignements colombien qui travaillait (et travaille encore) sous l’autorité direct de la présidence, et pendant ces années noires, sous celle d’Uribe.

La justice s’est emparée du dossier DAS depuis un peu plus de deux ans. Les milliers de pages s’accumulent et le Procureur que nous avons rencontré ne ménage pas sa peine pour faire la lumière sur…27 cas d’ici la fin juillet. Le travail est titanesque au regard des moyens, au regard des changements de procédures intervenus entretemps, et aussi au regard de la sécurité de ces magistrats, de leurs familles, de leur personnel. Je retiens aussi de cette visite un esprit d’équipe autour du Procureur adjoint. C’est sans doute indispensable quand on traite des dossiers aussi difficiles, risqués, et dont les conséquences des décisions prises peuvent être si lourdes pour celui qui juge…Nous avons aussi entendu très longuement le collectif d’avocats qui représentent les victimes : des ONG, des partis ou élus d’opposition, des journalistes, des syndicalistes et même la Cour Suprême de Justice, considérée comme dangereuse dans son indépendance. Chaque fois c’est la même stratégie : décrédibilisation, intimidation, menaces, infiltration pour construire des liens fictifs entre ces personnes ou organisations et les narcotrafiquants.

Les témoignages sont terribles, autant que tous ceux qui ne parleront plus : assassinés ou disparus…

Je m’étonnais ce midi, alors qu’il y avait un rayon de soleil, de voir que notre hôte, Guillermo Peres de la FIDH, voulait absolument manger dans un resto sombre, attenant au musée. Il nous a ensuite dit « ici, c’est l’un des endroits ou je mange sans trop m’inquiéter : comme c’est un musée, il y a des gardiens et une fouille des sacs à l’entrée…

 

[A suivre] C’est un premier billet, d’autres suivront ;-)

Et surtout, je vous proposerai un rapport  complet de ma visite avec une série de recommandations et propositions de suivis !