Yes we Cannes

64è du genre pour les habitués, premier pour moi dans mes fonctions de vice-présidente du PE.
Dans cet immense marché du cinéma, avec tous les excès et extravagances, se joue chaque année le présent et l’avenir du cinéma dans toutes ses déclinaisons : industrielles, économiques et fiscales, culturelles et identitaires, technologiques et numériques.

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Des centaines de délégations du monde entier s’exposent dans les pavillons du monde. Des centaines d’exposants, distributeurs et producteurs, se disputent quelques mètres carrés dans l’espace réservé au marché du film. La « Quinzaine des réalisateurs », les groupements et associations d’auteurs, de distributeurs, de réalisateurs, et parfois les 3 à la fois organisent multes rendez-vous, mini colloques, rencontres bi et multilatérales . Les pays s’exposent en tant que tels ainsi que l’Union Europénne.

Petite parenthèse : il est intéressant de constater que la Belgique était représentée à la fois par un pavillon belge (fédéral) très actif et très fréquenté, mettant en avant le taxshelter. Mais à la faveur de celui qui en a la charge et la responsabilité (chapeau d’ailleurs pour l’excellent boulot),  un habitué des politiques croisées entre tous les niveaux de pouvoir, l’équipe des belges sur place vend du belge avec tous les sponsors, produits et  nuances requis : on y boit de la Stella gentiment servie par la chargée de communication du SPF Finances, on y reçoit du chocolat bruxellois, on réfère vers les stands de Wallimage et flandersimage, on y propose les plateformes régionales d’accueil des tournages. Bref, une subtile gymnastique, le tout avec le sourire et l’intelligence bien de chez nous, en français, néerlandais et anglais. Et franchement, la Belgique se débrouille vraiment bien avec un Dardenne dans la sélection officielle (un bijou qui rend bien Seraing et environ, avec une Cécile de France  belle de simplicité et d’humanité), 3 films dans la quinzaine des réalisateurs dont 2 francophones et un flamand. Du beau boulot, qui porte ses fruits.

De l’autre, l’Union Européenne. Le programme MEDIA de la Commission Européenne, en soutien aux producteurs, les programmes de soutien à la création extra-européenne (Euromed pour le Maghreb et Moyen Orient, ACP Cultures dans le cadre du Fonds Européen de Developpement et Media mundo pour le reste du monde) le Parlement et le superbe Prix Lux qui permet le sous-titrage en 23 langues d’une œuvre primée chaque année par les Parlementaires et demain par des citoyens européens dans les 27 capitales, tout cela s’expose aussi de façon un peu dispersée. Et à part pour les super pros, pour le grand public des festivaliers, ce qui compte c’est le drapeau bleu et les étoiles. Il y aura encore à faire pour harmoniser cette présence et action européenne, souvent fragmentée  et mal connue et pourtant si précieuse pour le secteur qui l’a rappelé de façon on ne peut plus claire.

Un soutien plus indispensable que jamais pour concurrencer l’offre venant de l’étranger et en particulier des USA. Mais aussi pour répondre au défi de la numérisation et du téléchargement des films.

En cette matière, si le Parlement se positionne (un peu) plus clairement sur l’enjeu culturel comme vecteur et base d’un projet européen  fondé sur la  diversité (et tellement nécessaire en cette période de remontée des nationalismes, de désamour envers le projet européen  et de progression de toutes les formes de populisme) la Commission quant à elle se cantonne (trop souvent) dans une vision technocratique de superposition de programmes au service d’une vision industrielle et économique. Il était piquant de constater que dans un petit débat organisé sur la superbe terrasse du Palais des Festivals, entre la Commissaire à la culture Mme Vassiliou et une belle brochette de réalisateurs, à la remarque de Lucas Bellevaux metttant en évidence la nécessité d’un engagement culturel fort, la Commissaire (à la culture) répond que la culture c’est pour les idéalistes et qu’il faut convaincre avec des arguments économiques, des chiffres, de la création d’emploi et d’activité…Si c’est aussi vrai, c’est tout de même terriblement inquiétant que cela soit dit par la Commissaire à la Culture…

Voilà donc pour cette ruche de rencontre des professionnels dans laquelle chacun exerce son petit ou grand lobbyng, à coup de déjeuners, de réceptions, d’apéritifs ou de cafés…

Quant aux sponsors du Festival, ils  exhibent un peu partout  des voitures, du matériel électroménager, des expresso’s et autres boissons. Les hotels et immeubles de la Croisette ne sont pas en reste : les balcons et autres terrasses regorgent d’inscriptions publicitaires. Quant aux photographes en tous genres, après avoir mitraillé les quidams qui comme moi, bien fringués pour un soir, ont monté les fameuses marches, ils vous vendent le résultat pour la modique somme de 25 Euros la photo. Et ça marche, évidemment.

Dans cet immense brouhaha, des films sont projetés, quand même, en sélection officielle ou en parallèle, en salle ou sur la plage.

Pendant que sur la Croisette (chez nous on dirait plus simplement, sur la digue), les plus farfelus croisent les plus classiques, quelques Cannois tentent d’exister et de se déplacer un peu dans leur ville, des attroupements de curieux attendent devant les hotels pour apercevoir une ou des stars, lesquelles même inconnues suscitent la curiosité en répondant à une caméral qui passe…

Deux jours m’ont donné un bon aperçu, ont permis quelques rencontres et des prolongements à organiser à Bruxelles…et dire que certains doivent faire les deux semaines…