Dimanche, la veille de notre arrivée (sans lien de cause à effet !) à Taksim square (un quartier ultra fréquenté d’Istanbul) une bombe explosait et blessait 32 personnes. Dès le lendemain, le PKK affirmait n’avoir aucun lien avec cet attentat et déclarait la prolongation du cessez-le-feu jusqu’aux élections de juin.
Le décor de nos travaux était (violemment) planté et la sécurité sur les dents dans la ville.
Notre ambition était de faire le point, à la fois après 5 ans de négociations et juste avant le rapport de progression qui sera fait au PE dans les prochaines semaines, mais aussi 2 mois après un référendum constitutionnel boycotté par l’opposition démocratique.
Une bonne centaines d’élus, d’associations de droit de l’homme, de représentants de minorités,d’ONG, d’académiques, de journalistes, d’observateurs, de think thank nous avaient rejoint et ont salué l’opportunité que les Verts Européens leur offrent de débattre et de faire le point.
D’emblée, le ton est donné : il est au découragement. Un peu d’ailleurs comme dans le projet européen lui-même : il ne fait plus ni rêver, ni recette et les nationalismes et replis de toutes natures s’occupent du reste. L’adhésion de la Turquie à l’UE, pour beaucoup, on n’y croit plus très fort. L’élan du passé est manifestement retombé L’AKP (le parti majoritaire au pouvoir) est moins déterminé qu’en 2004, et les autres partis sans doute tout autant mais ils n’osent pas trop le dire. On citera la Croatie, partie en même temps dans le processus de négociation et en voie d’adhésion… On rétorquera qu’il est un peu difficile de comparer Croatie et Turquie et que d’ailleurs les turcs eux-mêmes supporteraient mal que l’on compare leur deux états… Certains avancent la nécessité de fixer une date, et avancent même celle de 2023, centenaire de la République turque. D’autres demandent des avancées concrètes sur la politique des visas, la politique étrangère.
Certes, qu’on croit ou pas à l’adhésion, le processus est utile pour la Turquie et il faut qu’il continue. Il pousse aux réformes et à la démocratisation. On citera des chiffres, des pourcentages (40%), des sondages de l’opinion publique turque quant à son soutien au processus d’adhésion… mais ici comme ailleurs, les résultats sont largement influencés pardes problèmes domestiques et utilisés à cette fin.
Il n’en est pas autrement enTurquie qu’en Europe : ce qu’elle apporte d’utile, on l’attribue au gouvernement turc, ce qu’elle apporte de contraintes ou de lenteurs, on l’attribue à Bruxelles. Belle preuve d’intégration politique !!!
Nous continuerons la discussion sur le processus constitutionnel et le référendum de septembre dernier. A côté de représentants syndicaux, droit de l’homme, université, femmes, nous alignerons à la tribune le BDP (nouveau parti kurde), le CHP (parti social démocrate) et l’AKP (parti de la justice et du développement, parti d’Erdogan, au pouvoir depuis 8 ans). Le MHP a décliné l’invitation. Rien que cela est nouveau : ces 3 partis, assis côté à côté, défendant leur point de vue dans un débat ouvert.Les deux premiers ont boycotté le réferendum qui portait sur 26 articles seulement de la constitution. Et pour cette raison même : insuffisant, il fallait un changement radical, tant sur l’autonomie dont doivent bénéficier les régions et les pouvoirs locaux (pas comme antenne du pouvoir central) pourle BDP, sur le terrain du respect des droits fondamentaux et de l’affirmation de valeurs universelles pour le CHP. L’AKP se défendra en disant qu’il faut rassembler sur un projet, sans tabous et sans préalables…bref, un discours assez convenu côté des partis. Dany Cohn Bendit les interpellera chacun sur leur point faible : le parti kurde qui demande de l’autonomie régionale est-il prêt à défendre en parallèle la légitimité du pouvoir central ? L’AKP, parti qui se prévaut de l’acquis communautaire européen, est-il prêt à tout prendre, y compris la charte des droits fondamentaux qui inclut le droit à l’orientation sexuelle ?
Tous cependant se prononcent en faveur d’une revision constitutionnelle beaucoup plus profonde, qui s’appuyerait non plus sur la seule nécessité de protection de l’Etat, mais sur une conception des droits de l’homme. Le représentant de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe dont est membre la Turquie expliquera cette approche, proposera son aide et son soutien à ce travail.
Car en effet, il n’existe pas une bonne ou une mauvaise constitution, et la détermination de la manière de l’élaborer vaut autant que son résultat : les partis politiques (et là, on diverge sur lesquels, représentés au Parlement alors qu’il y a un seuil électoral assez haut à franchir), les forces de la sociétécivile, une sorte de convention sont autant de garantie de trouver le consensus, ou du moins un large consensus entre les forces politiques.
Il faut aussi que les mentalités changent : au-delà même de la constitution, il s’agit que la Turquie intègre la possibilité de l’alternance comme une possibilité réelle, et même souhaitable. Et cela même s’il reste du Kémalisme une vision autoritaire du pouvoir, un rapport à la nation qui le justifie. Il faudra aussi que la Turquie et son Premier Ministre, intègrent l’idée que devenir membre de l’UE signifie accepter de céder des compétences à l’UE…Plus facile à dire qu’à faire…
Entre les discussions publiques, les cafés partagés, les quelques échappées à travers cette ville dingue, grouillante, si européenne par son patrimoine, son architecture, son histoire aussi comme nous le rappellera Jean-François Bayard dans une belle leçon d’histoire qu’il intitulera : « nuire à la bêtise identitaire »
Il déconstruira tous les imaginaires, les clichés et affirmations péremptoires de tous poils. Il commencera pas nous démontrer qu’il ne faut pas confondre appartenance à l’Europe et adhésion, en citant la Grande Bretagne en exemple… A méditer…Il est d’ailleurs bien vrai qu’en 94, personne n’imaginait la Pologne ou la Bulgarie dans l’UE. Une UE si attachée aux droits de l’homme qui refuserait l’Italie oula Hongrie, si d’aventure l’un de ces pays devait demander aujourd’hui son adhésion…
Comme le dit Sarkozy, l’Europe a « besoin » de frontières et la Turquie serait hors des frontières européennes ! C’est un pur imaginaire national. Autant que les délires sur les descendants de l’Empire ottoman autoritaire et sanguinaire.
L’Empire ottoman, né au 14è siècle, est finalement assez comparable à l’Empire des Habsbourg, qui a conquis les Balcans avant l’Anatolie ! Un Empire ottoman qui n’était pas spécialement despotique à ses débuts et il a même accueilli les protestants chassés… par les Habsbourg. Un Empire ottoman ouvert sur le monde : il a lui aussi vécu sa renaissance ottomane concomitante de la renaissance occidentale.
Et d’ailleurs, les nations européennes sont restées des empires jusqu’il n’y a pas si longtemps…
Quant à l’autoritarisme kémaliste qui l’a suivi, si critiqué, les européens en ont été les artisans et se sont félicité de ses résultats. Ce Kemalisme a entretenu des liens étroits avec le fascisme de Mussolini et les bolcheviques.
Enfin, JF Bayard revient sur la fameuse « altérité religieuse », qui rendrait impossible toute adhésion !!! Parlons-en puisque c’est LE point qui crispe, qui sert à cela, qui est utilisé pour cela.
Les dirigeants de l’AKP, le parti majoritaire et islamique, conjuguent parfaitement foi + néolibéralisme (avant on conjuguait Islam et socialisme), ce qui rend impossible par exemple l’application de la charia en Turquie : le capitalisme a cela de bon qu’il le rendrait impossible. A en croire une série de sondages, les Turcs eux-mêmes ont sur cette question des avis contradictoires :80 % d’entre eux pensent qu’un bon président = un bon musulman et 90% pensent qu’un président doit respecter la laïcité !
Et puis enfin, puisque l’Islam est la 2è religion de France, la France elle-même serait dans l’altérité.
Chez les nationalistes turcs, la Turquie, tu l’aimes ou tu la quittes
En France, Sarkozy a dit ça aux immigrés français.
Nous conclurons ces deux jours de débat par une retour sur l’adhésion. Que la Turquie adhère ou non à l’UE, l’Europe se transforme. Elle est transformée profondément par les immigrations depuis la fin des années 50, particulièrement ses centres urbains.Et comme le dira Dany Cohn Bendit, ce ne sont pas les gauchistes ou les syndicalistes qui les ont fait venir, mais c’est le capitalisme.
L’Islam fait partie de l’Allemagne, de la France, de la Belgique, des Pays Bas, Wilders, Le Pen, ou pas…
La société multiculturelle n’est pas un rêve ni un cauchemar. C’est un fait.
Et que la Turquie adhère ou non à l’UE, la Turquie se transformera encore et beaucoup. Elle est devenue en quelque sorte, d’un point de vue économique, la Chine de l’Europe.
L’adhésion de la Turquie à l’UE est une question qui est tout sauf culturelle. Elle est strictement politique. Il revient aux européens de se demander s’ils veulent ou non jouer et peser dans des espaces politiques et économiques bien plus larges qu’aujourd’hui et de s’interroger si pour ce faire, ils ont ou non besoin de la Turquie.
La Turquie est la première femme de l’Europe.
L’expression est de Dany, au terme d’un entretien passionnant entre nous et le ministre des Affaires Etrangères turc, Ahmet Davutoğlu
Ce matin, il avait les traits tirés (et pour cause, il sortait de l’avion qui le ramenait de Pékin et s’apprêtait à embarquer pour l’Afghanistan…) Au 9è étage de l’Hilton d’Istanbul, dans un salon réservé, il a consacré une bonne heure à notre délégation et à la quinzaine d’observateurs et journalistes présents.
Le ton est juste, plutôt direct. Pas de frioriture : on n’a pas le temps et il sait gré aux Verts européens d’être là, d’organiser, de vivifier, de réveiller le dialogue politique, y compris au niveau domestique. Rien de cela dans la visite un peu expédiée que Martin Schulz, président du groupe socialiste au PE, accompagné du secrétaire général du parti social-démocrate allemand effectuait en même temps que nous et que nous avons croisé dans le hall de l’hotel. Une ou deux bilatérales, quelques entretiens, rendus difficiles par ce qui vibre en Allemagne aujourd’hui.
De notre côté, trois jours de rencontres, de débat ouvert avec toute la société civile et politique, en présence de la presse, avec une délégation d’une dizaine de députés. Un entretien avec le Premier Ministre et avec le ministre des Affaires Etrangères.
Notre invité nous parlera d’abord du choix délibéré posé par son gouvernement en matière de politique étrangère. Un choix qu’il caractérise de « soft power oriented », ce qui est nouveau pour la Turquie et sans doute pas sans rapport avec son essor économique, son taux de croissance et le rôle qu’elle entend jouer dans le monde. Une posture de médiation, de médiateur avec la Syrie récemment.
Puisqu’il parle de médiation, on ne peut que le reprendre de volée : avec une telle posture sur la scène extérieure, comment expliquer le maintien d’un si grand nombre de soldats au nord de Chypre. Une aberration, une vieille bataille, un vieux conflit qu’il faut résoudre. Pourquoi ne pas ouvrir les ports aux bateaux grecs en échange de l’ouverture de l’aéroport.
Difficile. Il explique les tentatives déjà entreprises, avortées. Il comptait un peu sur la présidence belge pour aider sur ces questions car il attend moins des présidences suivantes, hongroise ou polonaise, suivie de la danoise puis…de la grecque…
Et nous voilà repartis sur la politique de voisinage avec la Palestine, un territoire vécu comme proche, aussi sur le terrain des relations houleuses avec Israël. Il nous racontera toutes les discussions menées il y a deux ans, dans 3 hôtels différents d’Istanbul, hébergeant chacune une des délégations concernées. Et la navette qu’il a effectué entre chacune d’elle pendant plusieurs jours pour tenter d’aboutir à un accord. La réponse israélienne a mis unterme brutal aux discussions : c’est l’opération Plomb durci sur Gaza.
Plus récemment, l’assaut sanglant sur la flotille envoyée depuis la Turquie sur Gaza a elle aussi sonné un moment difficile dans les relations traditionnellement bonnes entre la Turquie et Israël. Et cela juste après que la Turquie ait soutenu l’entrée d’Israêl au sein des membres de l’OCDE !
Il avoue platement qu’au moment de l’assaut de la flotille,il leur était difficile de conserver une position neutre, de médiation. Une flotille qui était une initiative d’ONG, de citoyens. Impossible de l’arrêter au nom d’une posture globale. On connaît la suite. Il ira jusqu’à dire que la vie perdue des 9 citoyens turcs vaut bien celle de Gilat Shalid. C’est bien vrai.
On parlera aussi multiculturalisme et il nous interrogera sur ce qui se vit en Europe. Comment voit-on l’Europe dans 50 ans : blanche, chrétienne alors que tous les paramètres démographiques sont à la baisse dans les 27 pays. Il nous proposera l’adhésion de la Turquie comme solution, tant à la crise démographique qu’à la faible croissance économique. On lui répondra aussi vite que la Turquie est elle aussi face à ses minorités, aux discriminations, aux non respect des droits fondamentaux vis-à-vis des kurdes, des alévis, des arméniens, des femmes, des homosexuels…
Et il nous expliquera que les transformations démocratiques sont à l’œuvre, que le débat constitutionnel n’est pas fermé, qu’il est « EU related ». On en prend note, on a aussi entendu l’opposition et les associations la veille, expliquant pourquoi elles n’ont pas soutenu le « paquet constitutionnel » en raison de 2 articles qui verrouillent tout en matière de justice et de recours…
On passera de la croissance économique (11%) à l’énergie. Nous plaiderons pour une croissance plus durable, pour des choix plus responsables en matière d’énergie. Car on a entendu de façon on ne peut plus claire les militants verts turcs, mais aussi les associations, expliquer leur résistance aux grands projets hydroélectriques, bousillant la biodiversité et le patrimoine naturel. On parlera de l’accord avec l’Iran sur le retraitement du nucléaire iranien.
On parlera aussi des turcs d’Europe, ceux dont « l’intégration serait ratée » et qui, alors qu’ils sont allemands, belges, ou neerlandais, sont encore considérés par le pouvoir turc comme des citoyens ottomans !
On terminera en demandant au Ministre de prendre contact avec son collègue iranien à propos de l’exécution de Mme Sakineh, mais aussi de tous et toutes les autres, les anonymes, jugés de façon expéditive et pendus ou disparus, ou assassinés.
En vous lisant, je me réjouis. Je me réjouis d’apprendre que vous constatez que l’adhésion de la Turquie s’éloigne ! Par contre, je ne me réjouis pas de constater que vous êtes une immigrationniste résignée. Ils sont là, les immigrés, il faut bien faire avec. A nous de nous forcer à les accepter tels qu’ils sont. C’est le discours de la plupart des gôchistes européens, il faut bien le reconnaître. Mais si les Espagnols avaient parlé comme vous, la Reconquista n’aurait jamais eu lieu et l’Espagne serait comme tout le Maghreb arabisée et islamisée et probablement dans le même état démocratique, social, culturel et économique que toutes les autres contrées conquises par les hordes conquérantes mahométanes.
La vraie question qui se pose actuellement pour tous les Européens, de la Norvège à Malte, est de savoir si nous, les habitants de pays européens, nous désirons garder pour nous, nos enfants et nos petits-enfants, nos espaces de vie, nos territoires, nos pays, la même question qu’ont du se poser les français, les belges, les hollandais, lorsque les troupes allemandes ont voulu envahir leurs pays pour obtenir pour leur peuple allemand un plus grand espace vital (lebensraum). Ce n’est rien d’autre que cela ! Si c’est non et que nous sommes d’accord de donner nos pays et ceux de nos descendances à des peuples essentiellement venus d’Afrique du Nord et subsaharienne qui ont été incapables de contrôler leur sexualité comme nous nous l’avons fait et qui se sont ainsi reproduits dans des proportions qui font qu’ils doivent trouver de nouveaux territoires où s’installer, c’est OK. Mais si c’est oui, et que nous voulons donc défendre notre territoire et celui de nos enfants, il faut nous y prendre autrement que ce que vous, vous nous dites de faire. Il faut nous battre ! Ce n’est pas plus compliqué que cela le choix qui se pose à nous maintenant. Que vous le vouliez ou non !!! L’invasion qui est en cours actuellement, que cette invasion se manifeste par l’immigration clandestine, les regroupements familiaux ou les naissances de musulmans dans nos maternités, ne s’arrêtera pas d’elle-même, vous le savez ! Donc, il nous faut agir, il VOUS faut agir. Avez-vous vraiment envie que vos enfants et petits-enfants doivent vivre sous le joug de l’islam gouvernés par la charia ? Moi non !
En lisant la réponse que vous m’avez directement adressée, je m’aperçois que je ne suis pas parvenu à me faire comprendre. Je ne sais pas si je suis un dangereux nationaliste ainsi que vous me qualifiez mais si c’est le cas je vous précise que le nationalisme dont je serais partisan est un nationalisme européen, considérant, je me cite « …de la Norvège à Malte… » que ma patrie est l’Europe.
Monsieur Daniel Pipes expliquait déjà en 2007 beaucoup mieux que moi ce que j’ai peiné en vain à essayer de vous faire comprendre. Puis-je me permettre de vous inviter à le lire ici : http://fr.danielpipes.org/4395/les-options-peu-engageantes-de-leurope
Il est normal que l’adhésion de la Turquie soit débattue, discutées, analysées par les citoyens européens. Le débat est un fondement de la démocratie. Ce que je comprends moins, c’est que quasi systématiquement, ce débat devient une tribune pour les adeptes de la théorie du choc des civilisations, de l’invasion arabo-musulmane et tutti quanti. La vraie question, me semble-t-il, est « quels sont les avantages et les inconvénients de l’adhésion de la Turquie? » Je suis d’accord avec Isabelle Durant sur « l’effet carotte ». Le processus enclenché permet et, je l’espère, permettra encore à l’avenir aux autorités turques de moderniser et démocratiser leur pays. Le processus d’adhésion est donc, selon moi, une bonne chose. L’adhésion, c’est autre chose mais de toute façon, ce n’est pas d’actualité. Il s’agira de se reposer la question des avantages et des inconvénients en temps voulu.
Mais ce qui me tracasse, c’est la logique d’opposition choisie par une part non négligeable des partisans du contre. Monsieur Plouf, vous nous parlez de la Reconquista et moi je me demande ce que ça vient faire là dedans. D’abord parce que ce sont les arabes qui ont occupés l’Espagne et pas les turques. Entre parenthèse, la Reconquista n’est pas le fait le plus glorieux de nos bons Rois Catholiques. Ensuite parce que le monde à quelque peu changé depuis. Dans un monde globalisé, avoir peur de l’autre, c’est se couper de la dynamique mondiale. L’Europe n’est pas et ne sera jamais un tour d’ivoire surprotégée. On ne peut pas se couper du monde. Nous devons accepter l’autre. Je comprends la peur inspirée par des régimes autoritaires et peu respectueux des droits humains. Cependant, de la logique de l’affrontement, il ne sortira rien de bon.
Pour ce qui est de l’immigration, il est illusoire de croire que l’on peut la stopper et revenir à la situation supposée de 1900. Tout le monde migre. Les hommes comme les oiseaux, et cela depuis la nuit des temps. Notre modèle de découpage du monde repose en partie sur le contrôle des flux migratoires. c’est donc devenu une nécessité. Mais face à une politique migratoire (nécessaire), il y a la souffrance et la nécessité de survivre. Il y a un arbitrage à faire comme chaque fois que des intérêts divergents sont en présence. Croire que l’on peut bloquer les frontières est illusoire. Pour ceux qui sont déjà ici ou leurs enfants nés en Europe (dont je fais partie), il y a certes des problèmes. Je ne le nie pas. Mais de grâce qu’on arrête de nous considérer comme LE problème. Je ne me reconnais pas du tout dans la description, extrêmement stéréo-typée, de l’immigré ou de l’enfant d’immigré. J’ai la double nationalité. Celle de ma mère et celle de mon père. J’aime le pays où mon père est né mais si l’on me demande quel est mon pays, ce sera la Belgique. Je suis née ici, j’ai grandi ici, j’ai étudié ici et je ne comprends pas pourquoi certains me considère comme étrangère en entendant mon nom de famille à consonance arabe. On parle des arabes en burqua, enfermée chez elles, avec un mari proche d’Al-quaeda prônant la mort de l’Occident… Mais pour une dans cette situation, combien vivent tout-à-fait normalement? Ne méritons-nous pas le même respect que tout un chacun? Des problèmes il y en a. S’interroger sur le meilleur modèle de société pour vivre ensemble est très sain. Mais classer des gens comme dangereux sur base de leur religion, leur origine ou leur couleur de peau, c’est nuire au modèle démocratique et marcher sur les valeurs de ce pays. Et en tant que bonne citoyenne belge, je ne m’y résoudrai jamais!