Le discours sur l’état de l’Union européenne a eu lieu ce matin dans l’hémicycle strasbourgeois. On avait déjà bien glosé sur les présences en séance, pour éviter à Barroso (et à tout autre président de la Commission à l’avenir) de parler à un auditoire très clairsemé. Des sanctions avaient été envisagées pour « forcer » la présence des députés, objectif parfaitement justifié à mon sens (même si la tête d’affiche du jour était tout sauf excitante). Le hic c’est qu’elles n’étaient peut-être pas les plus appropriées (le portefeuille est un puissant moteur, mais dans ce cas, d’autres moyens devraient être identifiés pour que les députés, trop souvent experts dans leurs questions, se sentent concernés par un débat général et viennent appuyer la prise de parole de leur président de groupe).
Le retrait de cette idée de sanction financière aura cassé les effets de Nigel Farage, celui qui avait traité Van Rompuy de serpillère (erreur) et la Belgique de « non pays » (peut-être pas tout à fait faux…).
Rien que cela, c’est un plaisir !
Tout sourire, hableur, séducteur (enfin, tentant de l’être) José Manuel Barroso se lance. Mais très vite, son discours se perd dans des généralités sur le présent de l’Europe. Il énumère 5 défis, très attendus, pour l’année qui commence. Evidement le contrôle du secteur financier, à propos duquel il aurait pu plus chaleureusement remercier le Parlement qui, grâce à une excellente collaboration entre les 4 grands groupes politiques, a joué à plein son nouveau rôle dans ces matières et opposé au Conseil des ministres européens qui voulait une simple coordination des politiques, une vraie résistance. Elle a été payante car l’accord dégagé sur la supervision financière est bon.
Un peu de tout dans son discours, comme le dira le chef de groupe socialiste : un discours qui plaira à tout le monde car chacun y retrouvera un petit quelque chose. Une fois encore, le plus petit commun dénominateur.
Quelques petites phrases qui ne traduisent que trop bien ce à quoi se réduit sa vision de la croissance durable et de la politique de mobilité : « il faudra des cols verts à côté des cols blancs » ou « bientôt on chargera sa batterie de sa voiture comme on fait le plein ».
Il aura cependant quelques phrases fortes sur la xénophobie qui n’a pas sa place en Europe. On notera toutefois que la Commission n’a pas choisi, sur la question des Rom’s en France, de s’exprimer clairement en opposition avec la politique de Sarkozy.
Et sur la nécessité de « parler d’une seule voix » sur la scène internationale, sans annoncer aucune stratégie pour y arriver, par exemple à Cancun. Depuis le temps qu’on le dit…
Bref, un discours certes bien dit, mais sans relief et vraie perspective.
Reconnaissons que Guy Verhofstadt, Dany Cohn Bendit et Martin Schulz ont été bons dans leurs répliques sur les questions chaudes du moment (gouvernance économique, stigmatisation des Rom’s) mais aussi et surtout sur la méthode de Barroso, qui fait la part trop belle à l’intergouvernemental (jargon : en français : trop de pouvoir aux pays qui tirent la couverture à eux et réduisent l’Europe à l’insipide somme des intérêts nationaux, et surtout les plus grands d’entre eux).
Dany aura été le seul à mettre en évidence, de façon on ne peut plus claire, l’hypocrisie de la Commission qui « savait » pour la Grèce et a laissé aller, entraînant la nécessité de mesures drastiques qui pèsent sur la population grecque. Une Commission qui aurait pu choisir d’ouvrir les yeux sur les montants faramineux dépensés par la Grèce en armement en raison d’un interminable contentieux avec la Turquie, qu’il serait grand temps de résoudre. Il sera, tout comme Verhofstadt, on ne peut plus clair sur la question des Rom’s qu’il considère comme un test de crédibilité de la charte des droits fondamentaux.
Je saurai cependant gré à Joseph Daul, du groupe PPE, d’avoir souligné l’absence de l’UE dans la discussion qui vient de s’engager sous bannière USA, entre Israel et Palestine, et cela alors que l’UE est le principal bailleur de fonds en Palestine.
JM Barroso en réponse, a botté en touche, comme toujours. Alors qu’il lui était reproché d’avoir passé sous silence l’étau des replis nationaux qui enserre tout avancée européenne, il dit laisser les commentaires…aux commentateurs et vouloir se tourner vers l’avenir.
Quant à Olivier Chastel, le nôtre, parlant pour la présidence belge, se contentera d’un discours encore un peu plus creux, paraphrasant le président de la commission. Risque zéro.