Ce jeudi, le Commissaire Européen au marché intérieur, Michel Barnier, répondait aux questions du Parlement sur la libéralisation du secteur postal. Après avoir rappelé que la décision d’ouverture avait été prise de façon démocratique et transparente (c’est vrai) et avec les soutien de l’immense majorité des Etats membres (c’est aussi vrai), il en explique les objectifs en terme de modernisation des missions de service public, de soutien à la cohésion territoriale.
On est loin du résultat dans les 16 pays qui ont jusqu’ici ouvert le marché postal. La qualité du service universel a baissé et son financement est en danger (l’un étant en lien avec l’autre, évidemment) . De nombreux bureaux de poste ont fermé ou vont fermer (c’est aussi le cas dans pas mal d’autres pays européens qui ont ouvert le marché), la distribution est plus irrégulière, en particulier dans le monde rural et dans les zones les moins densément peuplées. Le prix a augmenté pour l’usager, les pertes d’emplois de postiers se comptent en dizaines de milliers et les conditions de travail des postiers sont soumises à rude concurrence par rapport aux nouveaux emplois bien plus précaires créés en remplacement des travailleurs postaux traditionnels.
Il est clair que le premier concurrent de la poste, c’est l’évolution technologique et le courrier électronique. Ces modifications ont profondément transformé le métier de la poste. Mais la fracture numérique, c’est aussi une réalité. Et dans certaines zones le rôle social des facteurs en est une également comme le rappelait avec beaucoup d’attachement un député libéral irlandais.
Mais la multiplication des fameux nouveaux entrants qui allaient concurrencer les gros monopoles publics qu’étaient les Postes nationales, on les attend toujours. Les nouveaux opérateurs se regroupent et se rachètent entre eux et on assiste, comme dans le secteur ferroviaire, par concentrations successives, à la mise en place au niveau européen d’ oligopole(s) privé(s)…
Quant aux mécanismes de régulation, ils sont largement insuffisants.
Michel Barnier a parlé d’une réforme accompagnée et raisonnée. Pas très convaincant.
Il a aussi évoqué la nécessité de réconcilier le grand marché avec le citoyen européen. D’accord. Et le service postal constitue un exercice de style particulièrement concret pour le démontrer. Nous ne le lâcherons pas.
Il n’annonce pas ce que nous demandons, à savoir une évaluation indépendante de la situation dans chaque pays. Il refuse le moratoire, estimant que cela serait plus préjudiciable au secteur en terme d’insécurité sur l’avenir. Il annonce cependant une table ronde de tous les acteurs (usagers, postiers, syndicats) qu’il entend réunir régulièrement…On verra.
Il était intéressant dans ce débat au Parlement Européen de constater que les lignes bougent. Bien sûr les Verts (nous avons été opposés depuis le premier jour à l’ouverture de ce service au marché et avons voté contre les directives antérieures), les socialistes (ou en tous cas une bonne partie d’entre eux, même si ce sont des gouvernements avec les socialistes dans presque tous les pays européens qui ont voté pour cette libéralisation au conseil des ministres européens, mais aussi et c’est nouveau des libéraux, des conservateurs.
A l’épreuve des faits, les majorités pourraient bien changer sur le sujet au Parlement Européen. Il faudra en user et abuser dans les mois à venir.