Je suis allée faire un tour et rencontrer commerçants, riverains, propriétaires et locataires des maisons sinistrées, voisins de la rue de Brabant où lundi matin à l’aube, un magasin était incendié volontairement entraînant la démolition de tout l’angle de la rue de Brabant/Quatrecht.
La rue retrouve tout doucement ses marques. Elle est rouverte, les commerces fonctionnent à peu près tous. La vie normale reprend ses droits. Pourtant on a manifestement frôlé le drame de la rue St Léonard à Liège. Mais ici, par miracle, aucune victime et des bonbonnes de gaz qui n’ont pas explosé. Mais ici il s’agit d’un acte criminel, ce qui risque de ternir la réputation d’une rue déjà mal comprise et mal aimée, et de ceux qui y travaillent parfois depuis plus de 30 ans.
D’abord, de l’avis unanime, les pompiers, tous les services communaux, la police, ont été parfaitement à la hauteur. Nous sommes vendredi, soit 4 jours après le sinistre, et cet après-midi, on rétablissait complètement la circulation (mais à sens unique dans la rue de Brabant). Les grues doivent encore déblayer les derniers gravats et les dernières vérifications de stabilité doivent encore avoir lieu pour permettre aux voisins de réintégrer leur magasin et leur maison.
Les récits du boucher d’en face donnent froid dans le dos : il a tout vu, suivi, filmé. Une chaleur terrible, heureusement une fumée et des cendres qui se sont propagées en hauteur et pas vers les commerces d’en face. Le locataire du magasin voisin de celui qui a brûlé bénit le ciel : ses parents qui habitent à l’étage étaient en vacances au Maroc. Mais s’il est parfaitement satisfait de la disponibilité des services, il se demande quoi pour la suite : l’installation de sa marchandise pour la rentrée, les pertes subies, les assurances…
Mais à côté de cet échange d’info, de façon cordiale et confiante, avec les personnes concernées, mais aussi avec le Commissaire Michaux présent sur place (bientôt un KOBAN, petit commissariat de quartier, sera installé place Liedts) avec le service propreté et son responsable (qui voudrait vraiment que sur le site, on installe une antenne propreté pour mieux gérer la propreté de cette rue hyper-commerçante), je n’ai pas manqué d’être interpellée sur des questions plus générales qui concernent cette artère bien particulière : la sécurité, les mendiants, la prostitution voisine, la propreté, le trafic et les places de parking. Ces questions-là sont récurrentes. Les plaintes sont nombreuses.
Cette interpellation animée mais cordiale, avec quelques commerçants au début de la rue, près de la place Liedts, qui eux n’ont pas été pénalisés par l’incendie s’est transformée en petit débat, entre les gens entre eux. En ces premiers jours de Ramadan, la sensibilité est plus grande. Un homme musulman s’emporte un peu et veut instaurer la loi islamique : condamnation de la prostitution et « nettoyage » de la rue d’Aerschot pour ne plus infliger cette proximité aux habitants, musulmans ou non, avec tout ce que cela génère comme problème la nuit du côté des clients (tapage, saleté, insécurité). . On s’explique. Je lui explique. Les lois belges ne prévoient pas l’éradication de la prostitution mais seulement de la traite des êtres humains. Un autre le contredit : ce n’est pas une question de religion, mais une question que les pouvoirs publics doivent traiter. Un autre encore qui lui même a fait de la prison quand il était plus jeune pour des histoires de vol dit-il, demande plus de fermeté.
En les écoutant discuter entre eux, je pensais aux arguments à géométrie variable : ce sont les mêmes donneurs de leçon qui revendiquent avec force l’interdiction du foulard car il signifierait systématiquement la soumission des femmes en arguant du fait qu’il est impossible de vérifier le libre choix des jeunes femmes de le porter…ce sont ces mêmes qui défendent le soit-disant choix des femmes de pratiquer la prostitution. Comme si dans ce cas, on ne devait pas se poser la même question du choix, des motivations, pressions ou histoires de vie souvent douloureuses qui mènent à la prostitution. Et là, faute de vouloir ou de pouvoir vérifier ce choix, ils aboutissent à la conclusion contraire : alors que pour le voile, il prônent l’interdiction, pour la prostitution, ils plaident non l’abolition mais le droit pour les femmes qui le veulent de pratiquer et d’offrir un service du sexe…