13 juin : a voté !

Comme plein de gens, et contrairement à un nombre qu’il sera intéressant d’évaluer, j’ai voté bien sûr. Et jusqu’à la fin de l’après-midi, il va falloir attendre.

Alors que Pascal Vrébos a consacré une partie de son émission à l’image qu’ont des observateurs étrangers sur la Belgique. Quentin Dickinson entre autre, correspondant AFP à Bruxelles, a fourni une analyse très fine et très correcte, de quelqu’un qui nous connaît bien.

En contrepoint, du plateau de RTL ce midi, émanait une impression particulière, c’est que nous avons un outil en or, qui s’appelle Belgique. Cela tranche avec l’article  que publiait Jean Quatremer dans Libération hier, mais la Belgique du 13 juin, c’est aussi cela.

Celle du 14 juin ? Un beau paquet de noeuds sans doute. Une conséquence évidente  de l’attitude, depuis l’échec de la solution BHV imaginée en 2005, d’hommes et de femmes politiques francophones qui qui savent (parce qu’ils vivent au Parlement fédéral, au 16 rue de la Loi, ou aux alentours) que nous vivons depuis longtemps déjà dans un « état confédéral » qui ne dit pas son nom.

Allez, on arrête les commentaires, on attend de voir les rapports de force établis par les électeurs…

Dès lundi soir, de Strasbourg, je suivrai les premières initiatives royales et autres…et devrai encore décoder les résultats, pour mon groupe et les autres européens, élus et journalistes, qui chercheront analyse et perspective après un 13 juin aussi diabolisé qu’inquiétant…

 

Monde
Reportage; En Belgique, deux langues étrangères
Jean Quatremer
867 words
11 June 2010
LBRT
006
9044
French
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A deux jours du scrutin, Flamands et Wallons poursuivent leur guérilla linguistique.

« Il était cinq heures du matin, samedi, raconte Patrick, marchand de journaux à Bruxelles. La voiture devant nous s’est violemment encastrée dans le rond-point, chaussée de Stall, à l’entrée de Bruxelles. Le conducteur était mourant. J’ai appelé le 112, le numéro d’urgence international. Et là, une dame me répond en flamand. Je ne le parle pas, je suis Français. J’ai tenté l’anglais, rien à faire. Elle ne veut parler qu’en flamand. Furieuse, elle me raccroche au nez. Je rappelle une seconde fois. Rebelote. J’ai finalement appelé la police qui est arrivée un quart d’heure plus tard et a enfin fait venir une ambulance. Je ne sais pas si le gars s’en est sorti. » Ce que ne savait pas ce libraire, c’est que l’accident a eu lieu exactement à la limite de la frontière linguistique qui sépare la Belgique entre francophones et néerlandophones : à l’est, Drogenbos, ville flamande ; à l’ouest, la région de Bruxelles capitale, zone bilingue. Son appel a donc abouti en Flandre, à Louvain très précisément, à quelques centaines de mètres au nord de la frontière linguistique. Et, en Flandre, l’administration doit uniquement employer le flamand.

Enclave. Drogenbos, petite commune de 5 000 habitants dont 80% sont francophones, est justement l’un des avant-postes de la guérilla linguistique que mène la Flandre contre l’extension de la « tâche d’huile » francophone autour de Bruxelles, capitale de la Belgique enclavée en Flandre, et dont moins de 15% des habitants sont néerlandophones. La région flamande veut que ce qu’elle considère comme son « territoire », depuis la fixation définitive de la frontière linguistique en 1962-1963, soit « homogène » comme l’explique Eric Van Rompuy, député du CD&V (le parti démocrate-chrétien flamand), et frère d’Herman, le président du Conseil européen. Ce qui fait dire au maire (francophone) de Linkebeek, voisine de Drogenbos, que la Flandre mène « une politique d’épuration linguistique ».

De fait, tous les partis flamands veulent en finir avec les droits des francophones belges en Flandre. D’une part en scindant l’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), qui permet à quelque 100 000 à 150 000 francophones vivant autour de la capitale de voter pour des partis francophones et d’être jugés en français par les tribunaux bruxellois. D’autre part, en supprimant à terme les « communes à facilités » dont ils ont dû accepter la création lors de la partition linguistique : dans douze communes à majorité francophone situées en Flandre, dont six autour de Bruxelles, les francophones ont droit à des écoles en français et peuvent s’adresser à leur administration en dans leur langue (1).

En attendant, au quotidien, tout est déjà fait pour user les francophones. Mardi soir, à Drogenbos, une réunion organisée par les libéraux francophones du Mouvement réformateur (MR), tourne au bureau des plaintes. Un moustachu corpulent au fort accent bruxellois raconte comment la police locale (essentiellement flamande) refuse de prendre les plaintes en français. La propriétaire d’une agence immobilière explique que « la région a rendu de plus en plus difficile les ventes à des non-néerlandophones. Les compromis qui faisaient deux pages il y a quinze ans en font quatorze désormais, et on n’est même pas sûr que la vente pourra se faire ». En cause notamment : un décret qui permet à une commission administrative de s’opposer à la vente d’un bien à une personne sans « lien avec la commune ».

usage interdit. La région flamande, dirigée par les chrétiens-démocrates du CD&V, impose aussi depuis treize ans que tout le courrier administratif des communes à facilités soit envoyé en néerlandais, contrairement à ce que prévoit la loi. Les francophones doivent donc à chaque fois faire une demande spécifique pour recevoir le courrier dans leur langue. Et on ne plaisante pas avec cette obligation : pour avoir envoyé, en 2006, des convocations électorales en français aux électeurs francophones, trois bourgmestres (maires) de la périphérie bruxelloise n’ont pas vu leur élection confirmée par la tutelle flamande. « Au quotidien, cela nous pourrit la vie », explique Damien Thierry, l’un de ces édiles. Dans ces communes à facilités, tous les débats municipaux doivent se tenir en flamand. « Sur quinze conseillers communaux, il n’y a que deux néerlandophones. S’ils sont absents, pas question de passer au français », raconte Damien Thierry. A chaque conseil, un représentant flamand est présent pour s’assurer que la langue de Vondel est la seule utilisée. Si ce n’est pas le cas, la délibération est annulée.

La situation des francophones se dégrade encore plus dès que l’on sort des « communes à facilités ». Ainsi à Hal ou à Overijse, tout affichage en français est interdit (avec boite à dénonciations à la mairie). A Zaventem, c’est l’usage de la langue de Molière dans les cours d’école qui est interdit… « On cherche une maison à Bruxelles », reconnaît un francophone de Rhode-Saint-Genèse.

(1) A l’inverse, il y a quatre communes à facilités en Wallonie pour les Flamands.

Document LBRT000020100611e66b0002l