Difficile de faire croire qu’on travaille quand on annonce qu’on passe la semaine avant Pâques à Ténérife.
Et pourtant, depuis ce lundi 8h, les travaux de l’Assemblée jointe UE – pays d’Afrique/Caraïbes/Pacifique ont commencé par la préparation des textes sur Haïti et la remise de sa dette, la situation au Soudan.
Car en effet, sur ces sujets et beaucoup d’autres, il est d’un très grand intérêt de développer un dialogue politique entre Afrique et UE, y compris d’ailleurs entre africains. Beaucoup de points rassemblent, mais pas tous. Sur les bananes ou sur les paradis fiscaux, les points de vue sont très différents selon qu’on est des Seychelles ou du Burkina Faso…
Quant au lieu de la conférence, on peut évidemment le trouver inadapté, même si la tradition veut que ce soit en terre espagnole, de la présidence tournante de l’UE. Mais ça se discute. Car en effet, au-delà du décor en carton pâte d’hôtels de luxe qui fait penser à la maison de Barbie dans la commune d’Adeje, en bord de mer au sud de l’île, les Canaries, c’est plus que cela. C’est un peu l’Afrique et l’Europe, c’est le point de rencontre entre les relations Nord Sud, ce sont des îles qui sont un point de transit et souvent d’arrivée pour les migrations
Lundi 29 mars
La séance d’ouverture sera marquée par les traditionnels discours, devant une assemblée d’une centaine de parlementaires africains et européens, et autant d’observateurs et institutions associées.
Après l’accueil par les « locaux de l’étape », c’est Louis Michel qui fera un discours vibrant sur les migrations, et qui nous appellera à mesurer que notre parole doit être à la hauteur du milliard cinq cent mille consciences que nous représentons, africains et européens.
Les discours seront ponctués d’une prestation en rap/slam de deux jeunes sénégalais, arrivés aux Canaries dans une embarcation de fortune, et qui chantent leur pays, le sort de leurs frères, la chance qui a été la leur de survivre à leur traversée.
On entrera ensuite dans le vif du sujet dans une longue, très longue réunion de travail pour préparer une déclaration sur l’accord UE-Amérique latine sur la banane et son impact sur les producteurs des pays ACP. Le hic, c’est que sans surprise, les européens entre eux ne sont pas d’accord entre eux (les critiques sur la libéralisation et ses effets sur les plus petits producteurs des Caraïbes, en concurrence totalement déloyale avec les géants comme les multinationales actives dans certains pays d’Amérique Latine, l’attachement de Louis Michel aux accords de partenariat économique qu’il n’entend pas voir remis en cause), mais les africains non plus. Le représentant camerounais prend le parti des multinationales et ne veut pas qu’on fustige les compagnies américaines, les représentants des Caraïbes ne sont pas sur la même ligne que les africains, le représentant socialiste européen est d’accord qu’il faut du commerce équitable mais en attendant défend le commerce tout court. On recherche (difficilement) le compromis pour une déclaration sur laquelle il n’y a pas de vote : elle sera approuvée par tous, ou n’existera pas. Reste une journée pour trancher. Quoi qu’il en soit de cette déclaration, on se comptera au Parlement Européen.
Car cette fois, depuis l’entrée en vigueur de Lisbonne, si le Parlement refuse, ce sera non à cet accord.
Une partie de l’après-midi sera consacrée aux questions à la Commission en la personne (non du co-président de l’assemblée qui se sent parfois encore toujours commissaire au développement) et du nouveau Commissaire, Mr Piebalg.
Mardi 30 mars
En vue de la réunion des bailleurs de fonds pour Haïti qui se tiendra à New York de demain, le débat du matin sera consacré à Haïti, aux besoins et aux conditions de la reconstruction. J’insisterai particulièrement
– sur la remise de la dette : tout le reste est inopérant si la conférence de New York aligne des montants, donne d’un côté ce que le remboursement de la dette reprendra de l’autre ;
– sur l’importance de se « servir » de cette reconstruction pour soutenir, dans la mesure du possible, la production locale, les agriculteurs locaux, l’économie locale
L’après-midi sera consacrée aux visites : la station d’épuration et de désalinisation de l’eau pour une bonne partie de l’île. Une sorte de grand réservoir, recouvert d’un filet dense pour éviter la formation des algues, collecte et stocke l’eau avant qu’elle ne passe dans les filtres et membranes de déminéralisation.
Cette eau épurée et déminéralisée sera utilisée pour les bananeraies mais aussi pour l’arrosage des 4 terrains de golf. On apprendra, heureusement, que les gestionnaires de ces terrains prennent à leur charge le coût de la désalinisation.
La visite se poursuivra par le projet ITER (rien à voir avec le projet français porté par l’industrie nucléaire, puisqu’il s’agit ici d’un projet de recherche et de développement des renouvelables : éolienne et photovoltaïque. Ici, on arrive à 30% de production d’énergie par le renouvelable, avec retour rapide sur investissement, alors même qu’il reste des marges importantes pour le photovoltaïque sur les toits, et en particulier les toits des infrastructures hôtelières par exemple.
Comme on le signalera dans le car au retour, nos collègues parlementaires africains n’auront aucune raison de fond, après avoir visité ce site, de se laisser séduire par les sirènes du nucléaire, alors qu’ils disposent eux-aussi d’un ensoleillement exceptionnel et de sites tout à fait indiqués pour des éoliennes.En tous cas, leurs photos pourront peut-être les aider à faire la démonstration…
Mercredi 1er et jeudi 2 avril
Les acteurs associatifs présents (CONCORD, SOS Faim) présents sur place ont organisé deux moments de débat de belle qualité et tenue sur les questions liées à l’alimentation et l’agriculture, rassemblant élus et acteurs, européens et africains.
Jeudi 2 avril, séance de clôture
Une nouvelle députée jamaïcaine se risque, dans la rubrique divers, et après avoir chaleureusement remercié nos hôtes canariens, a faire quelques remarques sur l’organisation des travaux. Elle a raison. Elle soulève des réalités et des faits qu’il faudra revisiter si l’on veut conserver mais bien plus, améliorer l’outil de dialogue politique qu’est l’assemblée jointe UE/ACP.
Elle se fait assez durement rabrouer par les « anciens ». Dommage et stupide. Moi, je prends bonne note de ces remarques : la légitimité d’une telle assemblée a besoin de voir son cocotier secoué.