Ce mardi matin, expédition pédestre de l’hotel Tropico (bien mal nommé tant la climatisation le rend glacial) à l’Assemblée nationale où se tiennent nos travaux. Un parcours non sans danger en raison du trafic et des embouteillages. A côté de cela, la place Meiser, c’est un parcours santé. Contrastes entre grues, buildings, anciennes constructions de style portugaise en plus ou moins bon état…
La séance commencera à l’heure et nous y traiterons des changements climatiques, des réfugiés du même nom et de la crise financière. Intéressant mais aussi contradictoire d’entendre les représentants des pays africains plaider pour un accord ambitieux à Copenhague et surtout pour une enveloppe de moyens leur permettant de réaliser la transition et les adaptations nécessaires, alors que dehors, le trafic et le nombre de véhicules polluants ne font qu’augmenter, que la surexploitation des énergies fossiles (comme le méga projet gazier à une heure de Luanda, peut-être un mirage, et très certainement au détriment de l’environnement marin), que les Dos Santos et autres chefs d’état du coin ont très souvent bénéficié de solides dessous de table dans les contrats d’exploitation (pour ne pas dire de pillage) des ressources naturelles qui sont tout sauf durables. Intéressant et contradictoire d’entendre plaider pour la régulation du secteur financier quand les pays des Caraïbes refusent un amendement sur la suppression des paradis fiscaux…
Mais soyons de bon compte : il est tout aussi vrai que l’UE et/ou les Etats membres donnent parfois l’exemple : elle joue leader sur le thème du climat mais pour quelques intérêts économiques, elle soutient ou ferme les yeux sur des régimes assez corrompus, des entrerprises pas toujours très scrupuleuse sur le terrain environnemental…Je dis cela juste pour que l’angélisme sur les pauvres pays pauvres ne prenne le pas. On fera évidemment la différence entre des gouvernements aux majorités écrasantes, une opposition inexistante et qui attend son tour pour être au pouvoir, et la population qui paye par une espérance de vie qui ne dépasse pas en moyenne 50 ans !
Pause de midi : avec SOS Faim sur le thème du lien entre changement climatique et agriculture. Comme d’autres ONG et réseaux d’ONG, ils sont là pour nouer les contacts, construire du réseau, mettre les parlementaires en contact avec des acteurs d’autres pays. Un vrai bon lobbyng.
L’après midi sera consacrée à des visites de terrain, comme on dit.
Trois autocars précédés par quelques rutilants 4X4 et un motard toute sirène hurlante nous emmènent visiter des projets de constuction de logement.
Il faut dire que la ville de Luanda est soumise à un défi démographique quasi insurmontable : en quelques 10 années sa population est passée de 600.000 à 8 millions de personnes !! Et comme les statistiques ne sont évidemment pas fiables, il y a un gap d’environ 1 million entre le chiffre dit officiel et le chiffre estimé !
Nous longerons pendant plus d’une heure des quartiers de favella’s où vivent entassés des centaines de milliers de personnes à qui les prix du logement au centre rendent impossible l’accès à un logement décent. Interminable…
Première escale, dont les Luandais sont si fiers (et qui contraste violemment avec ce que nous venions de voir le long de la route, en sortie de ville) : au milieu de nulle part, un stade de foot en voie d’achèvement, entièrement construit par des chinois (les ouvriers sont des prisonniers qui auront droit à une remise partielle de peine en raison du travail forcé qu’ils effectuent) . Même les sacs de ciment sont chinois ! La pelouse est déjà prête. Il est vrai que la CAN (coupe d’Afrique des nations 2010, l’Euro africain) approche.
Ensuite, à une petite heure de route, nous traverserons des chantiers tout aussi chinois : une ville sort de terre. Des immeubles de 5 à 10 étages, qui évidemment n’hébergeront pas les habitants des favellas croisés il y a une heure. On y prévoit plusieurs « quartiers » de 30.000 appartements ! Quant aux futurs habitants, les explications ne sont pas claires. En tous cas ce ne sera pas pour tous ceux qu’on a croisés sur des kilomètres pour arriver à ce site désert. Ce sera pour le personnel de l’université qu’on va déménager pour désengorger la ville (une stratégie qui ressemble à celle qui a prévalu à Brasilia). Impressionnant et déprimant…quand on sait le prix de tout cela : des contrats pétroliers juteux pour les constructeurs chinois. Et quand on imagine ce que sera cet endroit dans 20 ans, si la rente pétrolière s’assèche…dans un pays comme bien d’autres en Afrique, sans classe moyenne, à la démographie galopante.
Un peu plus loin, un autre projet de logement bien plus modeste, vise à reloger à terme un millier de personnes actuellement installées dans un campement car leur bidonville a été détruit par un glissement de terrain. Site a côté duquel on a construit un superbe centre culturel, grillagé et gardé, et le long duquel des gamins jouent au foot à pieds nus et avec un ballon crevé. Mais ils nous saluent avec un de ces sourires..
J’arrête car c’est un peu décourageant. L’émotion et l’indignation sont de meilleurs moteurs à l’action.