Magnifique lever du soleil depuis le TGV de retour, après un Luanda-Paris sans histoire.
Cela réchauffe à peine après avoir perdu brutalement une trentaine de degrés !
En réponse à certains des commentaires et messages reçus dans des sens divers sur ce sujet, je reviens sur cette épineuse question du réferendum en Suisse sur l’interdiction des minarets, et plus largement sur tout ce que cela charrie.
« La seule chose dont il faut avoir peur, c’est de la peur elle-même » disait Roosvelt, s’adressant aux décideurs, à ceux qui doivent parfois prendre des décisions qui vont un peu à contre courant.
C’est bien de cela qu’il s’agit dans l’affaire des minarets et tout le débat qu’elle suscite, avec toute l’irrationalité qui en découle . Cette peur, manifestée par une majorité de suisses mais ressentie par une majorité de belges (si une telle « votation » avait lieu en Belgique –qu’on nous en préserve-je ne suis pas sûre que le résultat serait différent) déclenche en retour la réaction exactement inverse : la défense irrationnelle de l’islam, de ses signes et symboles, une crispation identitaire forte.
Ces sentiments conjugués nourrissent un raidissement et une certaine souffrance des musulmans de chez nous, convaincus qu’il sont stigmatisés, rejetés. C’est du pain bénit pour ceux qui sur cette posture de victime exploiteront exagérément la veine communautariste, militante
Il est vrai que les musulmans sont, dans l’imaginaire qui découle de cette confrontation stérile de l’identité musulmane et de l’identité occidentale, tenus pour responsables de tous les excès et souffrance liés à l’islam. Alors que ce qui s’exprime chez ceux qui ont voté oui, ce n’est pas le rejet de l’islam en tant que religion, c’est le refus du fondamentalisme, dont d’ailleurs les minarets ne sont pas plus les incarnations que les clochers ne le sont (ou ne l’ont été) des excès de la religion catholique.
Force est de constater qu’au quotidien, en dehors des contacts directs où l’on se rencontre, se reconnaît (« l’arabe du coin », les voisins, le magnifique et exotique mariage de la dame qui nettoie), ceux qui désamorcent les peurs, démontent les préjugés, la méfiance est persistante. Pourtant, la plupart de ces gens réclament leur belgitude.
Passons au registre « efficacité » de la mesure, car la politique, c’est aussi cela. Tout comme l’interdiction du foulard à l’école, l’interdiction des minarets est, au mieux, une mesure totalement inutile.Si elle traduit le « ici, c’est chez nous et vous devez nous respecter », elle n’empêche en aucune manière les dérives de l’islam intégriste de prospérer : mariages forcés, violences et autres, qui d’ailleurs sont déjà réprimés par le code pénal.
En ce qui concerne enfin la riposte, on peut d’ailleurs se demander, à l’instar de mon collègue Dany Cohn Bendit, si les musulmans des Emirats ou d’ailleurs vont bouder les banques suisses après ce réferendum…
Va-t-on en Suisse et ailleurs interdire l’argent qui vient des pays arabes, alors que depuis la crise, les pouvoirs publics et de nombreuses banques cherchent à attirer ces investissements en s’adaptant aux règles éthiques de la finance islamique (en simplifié : refus de la spéculation, liaison de tout investissement à un objet concret et matérialisable).
Il faudrait, comme me le disait un de mes correspondants, un débat serein et démocratique sur le sujet. C’est vrai, car sans prendre la question à bras le corps, on la laisse aux mains de ceux qui, dans les deux sens, en exploitent grossièrement les ficelles. Mais c’est tout sauf simple :
– les débats télévisés du dimanche consacrés à cette question se sont terminés en quasi pugilat;
– les auditions au Parlement : on en a déjà fait énormément et la lecture du rapport sur le Dialogue interculturel dans les années précédentes et de ce que sera le résultat des Assises de l’interculturalité fin 2010 constitueront une pièce de plus qui servira plus aux chercheurs, étudiants et historiens qu’aux citoyens dont l’on dit qu’ils sont en demande de débat sur cette question
– les périodes électorales qui ne sont jamais loin les unes des autres, quel que soit le niveau d’élection, sont les moments les moins propices à la sérénité sur ces questions.
Je pense quant à moi qu’à côté de tout le travail quotidien, pas spectaculaire mais si nécessaire pour favoriser, sans angélisme aucun, un contact direct de meilleure qualité à l’échelle des quartiers, c’est une question qui est plus large et qui ne concerne pas que la classe politique belge.
Alors qu’il y aura bientôt 10 ans qu’ont eu lieu les attentats du 11 septembre, il faut espérer qu’au lieu de subir cette peur de perdre son identité, au lieu de s’entêter dans la recherche de l’identique, Islam et Occident affrontent ensemble la peur de l’autre dont ils souffrent tous deux et qu’ils font subir à nos sociétés déjà malmenées par la peur de l’avenir.
Mais quand j’ai dit cela…