Quand Jacques Delors parle d’or

jacques-delors1

« L’Europe n’a le choix qu’entre la survie ou le déclin ».  Notre invité donne le ton . Et il ajoute aussitôt : « Le comment faire est aussi important que le que faire ».

Un speech qu’il a nous a adressé avec la simplicité qui le caractérise, au Président et  vice-présidents du Parlement Européen réunis pour 2 jours de travail dans la maison de Jean Monnet près de Versailles.  Simplicité, mais aussi conviction, « esprit public européen » comme il dit lui-même pour caractériser le style qu’il incarne.

Il nous dictera un peu pèle-mêle notre feuille de route pour les mois à venir : la situation en Iran, le conflit israélo-palestinien, la conférence de Copenhague pour laquelle, sur le thème de l’environnement, les 27 doivent rester  unis, les régulations qu’exige la crise (il nous rappelle qu’il avait plaidé en son temps pour un Conseil de Sécurité économique à côté du Conseil de Sécurité tout court des Nations Unies), nos relations avec la Russie (une Russie qui selon lui a des réflexes comme ceux des Français ou des Anglais dans la période post-coloniale…).

Il nous rappellera aussi à quel point, malgré ses nombreuses imperfections, le processus d’intégration européenne fait rêver hors de nos frontières.  Un processus si unique et particulier qui fait qu’un chef d’état, même courroucé par une sentence ou une sanction prononcée à son encontre à l’échelle européenne, l’accepte. Imaginons un peu ce qu’il en serait si un même processus s’appliquait à l’échelle des Nations Unies et des ses institutions…une fameuse révolution !

Il nous invitera aussi à revoir la stratégie dite de Lisbonne, décidée il y a bientôt 10 ans et qui visait à faire de l’UE l’économie la plus compétitive du monde. Un grand flop, d’autant qu’on a délié cet objectif de réels objectifs sociaux ou environnementaux. Arevoir en profondeur, en tenant compte de quelques chiffres : entre 2007 et 2030, la population active aura diminué de 20%, les séniors auront augmenté de plus de 40 millions. Et la crise climatique exigera des adaptations, une croissance plus sobre.

Il reviendra enfin sur le « comment » surtout après le oui au réferendum irlandais qui ouvre la voie à des nouveautés dans la tuyauterie européenne. Autant il se réjouit de la force et du pouvoir que va acquérir le Parlement, il est quelque peu sceptique sur les « top jobs ». « Quand Obama parlera avec l’Europe, il aura en face de lui une constellation de présidents : celui de la Commission, du Conseil (permanent), du Conseil (rotatif) , le Haut Représentant aux Affaires Etrangères, le président de la zone Euro, le gouverneur Trichet, etc… ». Il est vrai que si Tony Blair devenait président du Conseil (ce qui n’est pas évident vu la participation britannique en Irak), il voudrait évidemment exister. Ce serait sans doute bon pour la Grande Bretagne, mais il n’est pas sûr que cela soit bon pour l’Europe. Il faut une Commission forte, c’est sûr (et dire qu’on y a mis Barroso).  Mais pour le Président du Conseil, il nous dira qu’il préférerait un « chairman », modeste, à l’agenda limité, qui pose des questions claires et exige quand nécessaire un vote (et dire qu’on aurait pu y mettre Barroso) ,  à un  » Executive président » qui veut représenter le conseil, parler avec les chefs d’état étrangers, etc… Un nid à tensions…

Le comment, c’est aussi le danger de voir revenir la méthode intergouvernementale, celle qui n’a jamais marché…

Une leçon d’Europe, et cela dans la salle du Trianon Palace où a été déclarée la fin de la guerre 14-18, qui a généré la seconde guerre mondiale.