
osé Bové et la commissaire à l’agriculture : après un dialogue de sourds, deux interviews sans aucun point commun
Le débat d’actualité que j’ai présidé ce jeudi en séance plénière à Strasbourg n’a guère fait bouger les lignes. Pourtant parmi la cinquantaine d’inscrits dans le débat, avec lesquels il a fallu être draconien pour la distribution du temps de parole, il y avait, y compris chez les conservateurs, la demande de revoir la situation était évidente.
Mariann Fischer Boel, membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural :
«Ce paquet s’inspire de nombreuses actions que nous avons entreprises et qui semblent porter leurs fruits», a déclaré Mme Mariann Fischer Boel, membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural. «Nous commençons à voir le bout du tunnel en ce qui concerne les producteurs laitiers européens. C’est la raison pour la laq.uelle je suis plus déterminée que jamais à ne pas “retourner vers le futur”, en évitant les pratiques qui, à long terme, nuiraient à notre secteur laitier et provoquerait un sentiment de totale imprévisibilité auprès des producteurs laitiers. Revenir sur les décisions prises dans le cadre du bilan de santé n’est pas une solution; le Conseil européen nous a d’ailleurs expressément demandé de ne pas le faire. Je suis convaincue que les idées d’aujourd’hui apporteront une aide réelle et tangible à nos producteurs laitiers. Il nous faut également réfléchir aux mesures à prendre pour les moyen et long termes. À cet égard, la France et l’Allemagne ont déjà proposé des idées constructives.
La Commissaire Fischer Boell a donc commencé par rappeler son credo. Mon collègue José Bové, qui observe un jeûne de solidarité depuis lundi, est évidemment monté au créneau, au nom des milliers d’agriculteurs en faillite, désespérés, pour demander
– que les quotas laitiers européens soient baissés de 5% pour rétablir l’offre et la demande,
– que les agriculteurs ne soient plus obligés de vendre à perte
– que les chefs d’état et de gouvernement qui se réunissent aujourd’hui pour préparer le G20 prennent les décisions
Notre collègue Tarabella est lui aussi intervenu, de façon identique et forte.
Mais l’entêtement de la commission reste entier : pas question de revoir la décision de démantèlement des quotas en 2015, alors que c’est une réelle provocation. Pire encore : la Commissaire conseille aux états membres qui veulent aider leurs paysans, d’acheter des quotas pour aider ceux qui veulent en sortir à quitter le secteur ! Une sorte de « Renault Vilvorde » pour le secteur laitier. Autre mesure confirmée : faire boire du lait aux enfants dans les écoles pour augmenter la demande ! On croit rêver ! Last but not least : « sans doute doit-on réfléchir à améliorer la transparence dans la formation des prix » dit-elle enfin. Mais tout aussi tôt elle dit « attendre un rapport pour la fin de l’année » !
Et cela alors que des millions de litres de lait sont répandus chaque jour par des agriculteurs à bout…
Tiens, et le nouveau président de la Commission fraîchement élu ? Va-t-il bouger maintenant qu’il a les « coudées franche » somme le dit un peu pathétiquement le CDH, et qu’on peut donc « tourner la page » (Anne Delvaux). Ou comme le dit Louis Michel dans « Le Soir » d’aujourd’hui, qu’il sera pour ce second mandat « face à l’histoire ».
Bonjour,
Même si il est malheureux de voir des agriculteurs incapables de vivre de leur travail pourtant bien difficile, la remise en place des quotas ne tient pas la route….
De plus, est-ce au gouvernement de « réguler » (terme à la mode) des petits pans de l’économie ?
J’ai entendu dire un agriculteur qu’il était anormal qu’il ne puisse pa fixer le prix du lait qu’il vend.
Mais la valeur d’un bien est toujours déterminée par ceux qui veulent l’acheter, et c’est valable pour les agriculteurs et tous les autres.
Sur quel argument économique vous basez-vous pour remettre en place des quotas… qui nous ont amené dans la situation actuelle !!!
La valeur d’un bien, du lait en l’occurence, ne peut être exclusivement déterminée par ceux qui veulent l’acheter. Aujourd’hui, les négociations entre les éleveurs et les industries laitières sont inégales et les industriels profitent de la concentration du marché pour imposer des prix inférieurs aux coûts de production. Alors qu’il est possible, si les pouvoirs publics s’impliquent dans ces négociations, de déboucher sur un prix du lait enfin en accord avec l’objectif initial de la PAC de 1958 qui était de garantir un revenu décent aux paysannes et aux paysans..
Le mot « régulation » est sans doute à la mode, mais hélas pas sa mise en oeuvre. On l’a vu dans le secteur financier et bancaire…Si vous préférez un autre terme, il s’agit du maintien d’outils de gestion de l’offre (et donc une répartition plus équitable des quotas). Et à court terme, c’est une réduction de l’offre qui doit être mise en œuvre dans tous les pays de l’Union européenne sans tarder pour permettre une sortie de crise.
Sur le moyen terme, l’agriculture doit non seulement nourrir ses producteurs, mais aussi réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. Cela passe par une production laitière localisée avec des animaux essentiellement nourris à base d’herbe et une fin à terme des élevages hors-sols nourris avec du soja produits à l’autre bout de la planète. Quant à libéralisation au niveau mondial et les discussions à venir à l’OMC, c’est la souveraineté alimentaire qui doit être défendue (on produit d’abord pour nourrir sa population, seul le surplus est exporté, alors qu’aujourd’hui, c’est le contraire qui se passe) pour relancer les productions locales et vivrières.
Bien à vous,
ID
La détresse des producteurs laitiers est à son comble. La très forte mobilisation des agriculteurs est le signe d’une exaspération face à un système économique qui ne permet pas à leur travail d’être justement rémunéré. La logique du « marché roi » qui guide les décisions politiques mondiales, nationales et françaises en matière d’agriculture conduit à une impasse.
Le Parti socialiste dénonce avec force et détermination le jeu de dupe dont sont victimes les éleveurs laitiers et les consommateurs, qui pour leur part ne constatent aucune baisse de prix.